Elle vient de quitter le quartier du Marais, à Paris, pour lui préférer le 11e arrondissement. Une impasse un peu planquée, « nettement plus calme », où Camille Hermand a transformé d’anciens garages, avec vue sur cour, en maison de campagne en pleine ville. Un jeu d’enfant pour cette architecte qui jubile à l’idée de défaire pour mieux refaire. Les intérieurs, c’est son affaire. Et dans cette impasse voisine du boulevard Richard Lenoir, elle a misé sur la lumière traversante, des tomettes anciennes au sol, des briques apparentes sur les murs, une cheminée – « facile à faire fonctionner » -, une table de ferme, des plantes et des fleurs pour ranimer la cour… Ici, on oublie vite que le métro passe à deux pas.
« Le chantier : ça m’a plu tout de suite »
Gamine, Camille Hermand voulait être architecte ou chef d’orchestre. Rien à voir... Excepté que, dans les deux cas, une même personne donne le ton, ou le la, pour guider une équipe, un groupe, un ensemble. Finalement, malgré la présence du piano familial, c’est l’archi qui a pris le pas, « car je n’avais pas l’oreille musicale ». Mais elle avait l’œil. Fille d’un ingénieur qui a beaucoup déménagé pour son travail, Camille Hermand s’est retrouvée en Algérie à l’âge de 5 ans : « Je me souviens encore des bâtiments de l’architecte Fernand Pouillon et de mon père qui m’emmenait faire les courses au souk en fin de semaine. » Puis, ado, elle croise la route d’un ami de ses parents, architecte. Il lui fait découvrir ce qu’est un chantier : « Ça m’a plu tout de suite. » Après ses années de lycée à Janson de Sailly, un début de cursus à l’École d’architecture de Paris-Belleville, elle décroche son diplôme à l’École spéciale d’architecture, tout en multipliant les petits jobs pour financer ses études. Le début de l’indépendance. Une valeur forte pour Camille Hermand qui s’installe à son compte, à peine sortie de l’école du boulevard Raspail. Risqué ? « Oui. Surtout à l’orée des années 1990, en pleine crise immobilière, où beaucoup d’agences d’architecture mettaient la clé sous la porte. » Coup de chance : l’un de ses amis monte une petite entreprise dans la rue des Jeûneurs, au cœur du Sentier. Il cherche quelqu’un pour transformer d’anciens ateliers de confection en bureaux. Ce sera le premier chantier de la jeune diplômée.
Fini le futile, on veut de l’utile…
Appartements, maisons, chalets, hôtels particuliers, lofts, boutiques… aujourd’hui, Camille Hermand intervient sur tous les terrains. Elle n’a pas pour autant abandonné les bureaux. Au contraire. À l’heure du télétravail, elle appréhende cette pièce, cet espace, avec un nouveau regard. Pour elle, l’« open space » avec la pratique du « sans bureau fixe » et autre « cabine téléphonique » pour s’isoler le temps d’un entretien, c’est le bon scénario « si l’on veut que la grande démission se poursuive »… « Si un salarié a besoin de son propre bureau, il faut pouvoir le lui accorder », explique l’architecte. Elle ajoute : « Il y a dix ans, on mettait une table de ping-pong, un babyfoot ou un flipper pour créer de la convivialité. Depuis le Covid, c’est une cuisine que les patrons d’entreprises réclament dans leurs bureaux. Une cuisine pour partager des moments en commun, préparer des repas, recevoir, organiser des événements… » Fini le régressif. On veut « faire ensemble ». Fini le futile, on veut de l’utile, du constructif.
« Remettre de l’humain dans l’architecture »
Et le bureau à la maison ? Camille Hermand s’adapte aussi bien à ceux qui veulent du silence, pour se concentrer ou téléphoner, qu’à ceux qui recherchent un brin d’animation, « du vivant », avec le goûter des enfants, la visite du chien, les copains qui passent… « Ce n’est pas une question de superficie, assure l’architecte. Pour créer un bureau, il suffit de trouver 2 ou 3 m2 que l’on peut refermer, recloisonner, pour pouvoir cacher l’imprimante et l’ordinateur, surtout s’ils sont dans la chambre. » La priorité : « Le télétravailleur doit se recréer une ambiance, personnaliser son espace. » Camille Hermand cherche à « remettre de l’humain dans l’architecture ». « Quand on réalise un projet, c’est avant tout pour qu’il soit habité et pas pour qu’il ressemble à un showroom d’éditeurs de pièces de mobilier, ni pour qu’il soit bombardé de likes sur les réseaux sociaux, où tout n’est qu’apparence. » Résultat : même lorsqu’un client dispose d’un gros budget déco, elle va chiner aux puces et préconise de « garder le bureau du grand-père ». La personnalisation encore une fois. Son message aux jeunes générations d’architectes : « Arrêtez avec le téléphone et Instagram ! Allez-vous rendre compte d’une volumétrie au musée d’Orsay, par exemple. Sortez de chez vous ! Bougez ! »
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