Il a rencontré Michel Audiard, croisé la route d’ADG, dévoré les polars de Jean-Patrick Manchette. Mais c’est dans les salles obscures que Philippe Colin-Olivier s’est initié à l’humeur noire. Cancre à l’école -« je cherchais à désapprendre »-, il séchait les cours pour aller « tous les jours » au ciné sur les Champs-Elysées. Au programme : « les films noirs américains et les westerns ». Fan de Jack Palance, il allait faire le pied de grue devant le George V lorsque la star y séjournait. « Je restais des heures à attendre devant le palace. C’est comme ça que j’ai vu Burt Lancaster, James Mason, Rod Steiger et même le boxeur Sugar Ray Robinson ». Il en parle avec les yeux qui pétillent dans son micro bureau perché sous les toits, à Boulogne Billancourt. Une cachette secrète peuplée de bouquins, d’une tasse de thé encore pleine, de coupures de presse, d’une table de travail et d’un lit « pour faire la sieste ». « Ado, j’étais un blouson doré », confie-t-il. Comprenez qu’il traînait, dans les 7ème et 16ème arrondissements, avec des dandys de grand chemin, comme lui. « Je n’étais motivé que par les filles et la littérature ». Mal barré dans la vie ? Pas tant que ça. Même sans son bac, Colin-Olivier sait se faire remarquer. En se faisant passer pour un reporter de guerre, il va décrocher un job dans la com’. En débarquant dans un squat à Puteaux, il va séduire le rédac’ chef d’un magazine sur la chimie, juste en lui expliquant qu’il préfère John Coltrane à Sonny Rollins. Il est comme ça le gars, spontané, imprévisible. Dans les années 1980, pour payer ses impôts, il va même écrire des sitcoms pour la télé.
« Elle s’était acheté Les nourritures terrestres pensant que c’était un bouquin de cuisine ! »
Le polar, ça viendra dans la foulée. Car il aime écrire et il a une sacrée plume : le tonton flingueur sait flinguer, avec une quinzaine de bouquins publiés, dont sept polars. « Je ne peux pas obéir, dit-il encore. Je suis différent, un peu ailleurs ». Il suffit d’aller acheter du pain en sa compagnie pour s’en rendre compte. Il drague la boulangère, l’invite à partir avec lui. Mais elle le connaît par cœur, alors elle se marre, tout en se laissant courtiser… un vrai sketch ! « J’aurais rêvé faire du one man show », avoue-t-il en quittant la boulangerie, sa baguette sous le bras. Rien que ses conquêtes féminines auraient pu alimenter deux ou trois spectacles dans notre époque si formidable. Imaginez-le à 28 ans, au volant d’une MG rouge décapotable, en train de brancher une ex miss France porte Dauphine. « Elle était sublime, mais n’avait jamais lu un livre. Deux jours plus tard, elle s’était acheté Les nourritures terrestres pensant que c’était un bouquin de cuisine ! Après tout, Sartre disait apprendre plus avec une conne qu’avec Raymond Aron... » Il n’en demeure pas moins que Colin-Olivier s’est marié… « à 60 ans ! » L’élue est journaliste, a passé onze fois son permis de conduire et a été virée des « Jeannette » dès le premier jour ! L’accord parfait.