« Je suis journaliste culinaire. » C’est ce que Stéphane Méjanès répond, quand on lui demande ce qu’il fait dans la vie. Une vocation découverte sur le tas et arrivée sur le tard, même s’il reconnaît aimer écrire et passer à table. Mais, gamin, il voulait être architecte, « pour construire des maisons ». Ado, il était bon en histoire comme en français et griffonnait ses rédacs « après le cinéma de minuit de Patrick Brion ». Adulte, son premier job a été de retenir le plus longtemps possible, « au bout du fil », les utilisateurs du 3615 Ulla, le fameux service de rencontres pour adultes sur Minitel, créé en 1987…
Des tournois du Grand Chelem jusqu’à René Redzepi
Avec ses faux airs de Bill Deraime, un brin de nonchalance en bandoulière, un franc-parler teinté d’humour et de l’humeur du jour, Stéphane Méjanès tranche avec les bien-pensants du moment. Né à Paris, élevé à Bayeux, il a étudié l’anglais et les langues scandinaves autant à la fac de Caen que dans les salles obscures. Abonné à Hara-Kiri, il a grandi avec le 20 Heures à la télé, le rock raconté par Bernard Lenoir et la nuit hantée par la voix de Macha Béranger à la radio. Faute d’avoir pu intégrer le CELSA, à la Sorbonne, il s’inscrit à l’École supérieure de journalisme de Paris. L’occasion de faire un stage à L’Événement du jeudi, fondé et tenu par Jean-François Kahn. La suite, c’est le Minitel. Avec un aller, sans retour, du 3615 Ulla aux 3615 L’Équipe et 3615 Le Parisien. « J’ai couvert la chute du mur de Berlin en 1989, mais aussi tous les tournois de tennis du Grand Chelem, le basket ou encore la Formule 1 », se souvient-il. Pour L’Équipe, il se partage entre les voyages et le desk de la rédaction. Puis, plan social en 2003. Il fait partie de la charrette. Il atterrit alors au magazine gratuit Sport, distribué à la sortie du métro et tiré à un million d’exemplaires. « Là, j’ai pris la direction des sports lifestyle, que sont le surf, le skate, le snowboard… » Des disciplines qu’il prend plaisir à relayer et relier à une philosophie, une culture, des musiques… La bouffe ? Elle entre dans sa vie en 2010, lorsque le groupe Lagardère lui confie le contenu de magazines de marques, comme celui de Nespresso, traduit en une dizaine de langues. Parmi les reportages qu'il réalise à cette période, il se souvient d'une drôle d'échappée en Laponie : « En septembre 2010, je suis parti à Levi, à 1 000 kilomètres au nord d'Helsinki, pour une réunion du top 15 des cuisiniers du monde. Le journaliste Andrea Petrini était à l’origine de cet événement, durant lequel j’ai croisé des chefs comme Pascal Barbot, Albert Adria - le frère de Ferran -, René Redzepi… En passant 4 jours avec eux, j’ai découvert une autre scène gastronomique et une autre sensibilité à la nourriture. À mon retour à Paris, je ne voulais plus écrire que là-dessus. »
Sur sa route…
2010, c’est le début de l’émission Top Chef, sur M6. La cuisine s’empare des médias. Certains journalistes se positionnent et ambitionnent quelques postes en vue, qui font des envieux. Stéphane Méjanès, le dilettante, préfère les voies de traverse. Les chemins sinueux. Ceux qui permettent de prendre le temps de soulever le couvercle d’une casserole, papoter avec un cuisinier, approcher des producteurs, cueillir un fruit, goûter un légume, mettre la main à la pâte et les pieds dans le plat. Il prend ses quartiers auprès du mouvement Fulgurances, à l’origine d’événements culinaires au service de chefs d’avant-garde. Il réalise des « tests de tables » et sillonne la France pour le « carnet de route » d’Omnivore, en quête du meilleur de la jeune cuisine. Le tout en trouvant les bons mots, en aiguisant sa plume, en s’interdisant les adjectifs « croquant », « craquant », « gourmand »… Stéphane Méjanès préfère le subtil au facile, l’utile au futile. Au festival Omnivore, il anime la scène dédiée aux artisans. L’Obs, L’Express, Bocuse Magazine, C’est meilleur quand c’est bon… le réclament dans leurs colonnes. Même scénario du côté de la com’ : on veut son œil, son palais, son style d’écriture pour positionner un chef, une table, un plat, dans un dossier de presse ou sur un site Web.
Contre les « dark kitchens »
Engagé, Stéphane Méjanès a soutenu les chefs qui ont cuisiné pour les soignants des hôpitaux parisiens durant le confinement. Enragé aussi parfois, il a rédigé une tribune dans le Journal du dimanche contre les « dark kitchens ». Il n’a pas sa langue dans sa poche. Pour certains, c’est une grande gueule. Pour d’autres, un provocateur. Il n’en demeure pas moins que, depuis 2022, Stéphane Méjanès transmet sur l’histoire de la critique gastronomique et la pratique de celle-ci dans les médias, à l’université d’Angers. Autre façon de prêcher « sa » bonne parole : les livres. On lui doit notamment l’ouvrage Tailler une plume, aux Éditons de l’Épure, où Stéphane Méjanès brosse une série de portraits de journalistes culinaires qui accumulent autant de qualités que de défauts, manies et manières.
Le club des 1 000
Attaché à son indépendance d’esprit et à sa liberté de ton, Stéphane Méjanès reste très actif sur les réseaux sociaux. Il se montre aussi. En vrai. On le croise, par exemple, au lancement de la saison 16 de l’émission Top Chef, où il serre quelques mains, glane deux ou trois infos, boit un café, défait le monde avec l’un et le refait avec une autre... Toujours en quête du bon qui fait du bien, il nourrit également la newsletter de Pépites. C’est quoi ça ? Un club de 1 000 membres – « pas plus » -, tous dingues de bouffe, comme lui. Tous partants pour découvrir des produits d’exception, rencontrer des producteurs ou participer à la pré-ouverture d’une nouvelle adresse qui va compter. Tous prêts pour l’aventure, surtout avec Stéphane Méjanès comme guide vers le bon goût.