31 rue du Dragon, Paris 6e : un millier d’étudiants vont fréquenter cette adresse en 2025. Ils n’étaient que 600 en 2016, année de la nomination de Gilles Poplin à la tête de celle qui s’appelait encore l’École supérieure d’art graphique (Esag) Penninghen. À son arrivé, il l’a rebaptisée Penninghen, tout court, puis il en a dessiné le logo. Lui-même ancien élève de cet établissement, duquel il est sorti diplômé en 1995, Gilles Poplin a souhaité d’emblée mettre sa patte. Son empreinte. Une façon d’amorcer le repositionnement d’un lieu riche en histoires. Autrefois Académie Julian – fondée en 1868 par le peintre éponyme -, puis atelier commun du peintre et céramiste Guillaume Met de Penninghen et de l’architecte et designer Jacques d’Andon, l’école a vu passer sur ses tabourets des artistes comme Henri Matisse, Marcel Duchamp ou encore Robert Rauschenberg. La liste est longue. Les 7 et 8 février 2025, ce seront les « journées portes ouvertes » de Penninghen. Le webzine 1 Epok formidable s’est invité un peu avant.
« Donner de la visibilité aux travaux des étudiants »
« En arrivant à la direction de l’école, j’ai souhaité ouvrir celle-ci sur la vie du quartier, sur les autres aussi, tout en montrant un ancrage culturel fort », confie Gilles Poplin. D’où la diversité des partenariats menés au fil des années, notamment avec la rétrospective consacrée au graphiste Étienne Robial au Musée des Arts Décoratifs en 2023, mais aussi avec Paris Design Week - « pour donner de la visibilité aux travaux des étudiants » - ou encore avec le festival Photo Saint Germain. Autre signe d’ouverture : lorsque la maison Hermès a présenté ses objets « automne-hiver 2017 » à Penninghen. L’ambiance était créative, récréative, à l’heure du thé, avec jus de rhubarbe, financiers et parts de gâteau au chocolat. Le tout servi dans une salle de cours. Quelques étudiants étaient présents. À commencer par ceux qui avaient participé au concours du meilleur dossier de presse. Les « 5e année » étaient, en effet, invités à imaginer un document à remettre aux journalistes, à l’issue de la présentation des objets. Un partenariat pédagogique Penninghen-Hermès, qui avait alors récompensé Vérène de Hutten pour son travail original avec gros carreaux, fiches perforées, anneaux, intercalaire vert cru et autres compositions graphiques sur mesure pour mettre en pages souliers, foulards, bijoux, sacs, selles.
Concours de circonstances et porosité des frontières
« À Penninghen, nous formons des producteurs, designers, auteurs, créateurs, directeurs de collections, directeurs artistiques, architectes d’intérieur, communicants, réalisateurs, photographes… En prenant la direction de cette école, j’ai revu l’articulation des enseignements, développé les partenariats avec des marques, pensé l’école comme une marque de fabrique et une communauté », explique Gilles Poplin. Sa nomination à la tête de Penninghen ? « Un concours de circonstances », répond l’Orléanais de naissance. Ou plutôt une suite logique : il participe à un jury au sein de l’école, puis on le sollicite pour donner des cours de « direction artistique » et, de fil en aiguille, son prédécesseur, Alain Roulot, le pressent pour lui succéder à la direction de l’Esag-Penninghen. Ce qui plaît chez Gilles Poplin ? Sa polyvalence. « Dans mon parcours professionnel, j’avais été à la fois auteur, designer et directeur artistique. Si bien qu’assez vite, j’ai mis en avant l’interdisciplinarité dans le cursus des étudiants de 3e année. » Le nouveau directeur bouscule les certitudes. Son approche pédagogique rapproche design graphique, design produit et design d’expérience. Une année, il a même conçu un master en « industrie créative », commun à Penninghen et Sciences Po. Une porosité des frontières alliée à une ouverture des esprits. Résultat : « Quelle que soit la filière, l’enseignement à Penninghen est assez généraliste, telle une culture générale de la création. »
Kit de bienvenue
« Fan d’histoire de l’art et sensible à l’illustration, j’aimais travailler avec les autres », se souvient Gilles Poplin, en évoquant ce qui l’a motivé, ado, à se diriger vers la rue du Dragon en 1989. « J’étais très intéressé par la création et la modélisation pour y parvenir. » À 15 ans, graphisme et architecture d’intérieur le passionnent. À cela s’ajoute l’influence de la mère d’une amie, formée à l’Esag-Penninghen, ainsi qu’une pléiade de profs de l’école également auteurs des couvertures des publications du groupe de presse Bayard - J’aime lire, Okapi, Phosphore… -, dont le jeune Gilles Poplin avait été friand. Depuis, il a su conserver cette curiosité, cette soif de créativité, cette envie de rencontrer les autres. La preuve : pour la rentrée 2024-2025, il a dessiné un porte-cartons à dessins, tel un sac de travail à la fois solide, fonctionnel et élégant, à destination des étudiants de 1ère année. Un kit de bienvenue, réalisé en partenariat entre Penninghen et L/Uniform. Un signe d’appartenance à une école singulière au cursus pluriel. Le tout incarné par un directeur exigeant, vigilant, à l’écoute. Ainsi, sur les 135 enseignants et intervenants au sein de Penninghen, Gilles Poplin en a recruté 97. Sa patte encore… et ce jusqu’au casting des jurys de diplômes. « Je choisis un président et je construis le jury avec lui. » Soit 70 personnes - renouvelées à 90% d’une année sur l’autre - pour 3 cursus – direction artistique, communication et architecture intérieure -, « où chacun a la parole et chaque voix compte ». « Tout au long d’un parcours à Penninghen, ce qui nous intéresse, c’est la façon dont le jeune s’émancipe. Dans notre école, nous n’avons pas d’atelier. Lorsqu’un étudiant doit réaliser un projet, il est mis face au manque de moyen, face à son économie. Et c’est la lecture de cette démarche qui est faite, ensuite, par les enseignants. » Tout un programme et une pédagogie qui attirent, à chaque rentrée, quelque 300 jeunes en 1ère année. C’est beaucoup. Mais la sélection se fait vite, sur le tas, sur le terrain. Ils ne sont que 60% à être admis à poursuivre une 2e année au 31 rue du Dragon. Injuste ou décevant pour les recalés. Encourageant et valorisant pour les nominés.
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Journées portes ouvertes, les 7 et 8 février 2025, au 31 rue du Dragon à Paris (6e), « pour une plongée immersive dans l’ambiance créative de l’école », avec exposition d’une sélection de travaux d’étudiants et rencontres avec des enseignants.