Rendez-vous donné à 17 heures à deux pas du château de Blois. En route pour Chaumont-sur-Loire. Là, changement de véhicule. On quitte la citadine pour une version tout-terrain. Direction Amboise. En décalé de l’Ile d’Or, escale sur une rive de la Loire dépourvue de tout obstacle. La nacelle tractée est alors libérée. La préparation du ballon peut commencer. Recherche du sens du vent, fixation des brûleurs, vérification de l’étanchéité du circuit de gaz, mise en marche de deux ventilateurs ultra puissants pour insuffler de l’air froid dans l’enveloppe de la montgolfière : ça bosse dur sur ce bout de prairie, face au château d’Amboise. Allumage des brûleurs pour réchauffer l’air dans l’enveloppe, afin de relever celle-ci progressivement du sol. Les passagers se préparent pour l’embarquement. Ils sont une quinzaine, ce soir-là, à se hisser sur les marchepieds pour grimper dans la nacelle. Le décollage est imminent. Au poste de pilotage : Richard Sandrasagara. Signe particulier : plus de 4 000 heures de vol en ballon à travers le monde, à son actif.
Du Sri Lanka au Loir-et-Cher…
Né au Sri Lanka, Richard Sandrasagara a découvert l’univers des montgolfières par hasard. « Parallèlement à mes études d’ingénierie et d’économie, je travaillais au marketing d’une société de montgolfières sri-lankaise », confie-t-il. Mais son premier métier a d’abord été de créer et chapeauter des cafétérias de sites universitaires dans son pays d’origine. Puis, les choses de la vie lui font croiser la route de Jérôme Hallier, un Français venu du Val de Loire, qui cherche à développer ses activités au Sri Lanka. Son trip, c’est l’altitude. Son kif, c’est la montgolfière. Richard Sandrasagara adore, adhère et le duo s’associe au milieu des années 2000. L’idée : balader voyageurs, curieux, amateurs de « slow tourisme » au-dessus de la forêt tropicale, des montagnes et des plages du Sri Lanka. Richard Sandrasagara se familiarise avec le matériel propre aux montgolfières et commence à s’initier au pilotage. En 2008, il vient parfaire son apprentissage en France, du côté de Saint-Etienne. Puis, face à un contexte politique compliqué au Sri Lanka, il boucle sa valise et décide de s’installer dans le Loir-et-Cher. La société sri-lankaise est vendue et Richard Sandrasagara rejoint Jérôme Hallier chez Air Magic Montgolfières, qui regroupe désormais trois petites structures, afin de mutualiser frais de fonctionnement et ressources humaines.
« J’ai appris le français en allant au cinéma »
« Quand je suis venu vivre à Blois, je ne parlais pas un mot de français. Or je devais absolument maîtriser la langue pour passer les examens de l’aviation civile, dont on a besoin, en France, pour piloter des montgolfières. J’ai donc appris en un temps record, avec une seule méthode : j’allais au cinéma - parfois plusieurs fois par jour - voir des films en français », raconte Richard Sandrasagara. Pour l’aviation civile, une société de montgolfières doit être gérée comme une compagnie aérienne. Question de sécurité vis-à-vis des passagers transportés. Et puis, manipuler les brûleurs d’un ballon, ça ne s’improvise pas. « Lorsque nous recrutons un pilote, il a un minimum de 1 000 heures de vol à son actif », souligne Richard Sandrasagara. Si bien que l’un de ses équipiers, Bastien Debout, en pleine préparation de ses examens pour devenir pilote, n’a pas hésité à financer sa propre montgolfière pour voler à la moindre occasion. Résultat : « Pour la pratique, je suis prêt. Mais j’ai encore du boulot côté théorie… » « Un bon pilote, dans le Val de Loire, cumule entre 2 000 et 4 000 heures de vol », ajoute Richard Sandrasagara. Lui, il en affiche plus de 4 000. Et pour cause : lorsque la saison - de mars à octobre - se termine sur les bords de Loire, il n’hésite pas à partir survoler l’Inde, Dubaï, le Kenya ou encore le Sri Lanka où il a toujours de la famille. « C’est l’occasion de voir du pays, mais aussi de multiplier les expériences et de ramener le meilleur pour innover ici, dans le Val de Loire. »
Les yeux rivés sur son appli météo
« Au début, je ne devais pas rester en France. Finalement, je me suis marié et mon fils est né à Blois en 2019. » Richard Sandrasagara ne regrette rien. Et ce d’autant qu’il est devenu instructeur : « Je forme les membres de l’équipe, en vue de créer une relève. » Pour l’heure, chaque matin et chaque fin de journée, il a les yeux rivés sur son appli météo. C’est elle qui inspire le lieu et l’heure de départ d’un vol. Car impossible de décoller si le vent est trop fort, en cas de brouillard ou d’orage, mais aussi s’il fait plus de 36°, « car, avec les brûleurs en plus, il fait beaucoup trop chaud ». Son conseil vestimentaire avant de monter à bord : « S’habiller comme pour partir en randonnée, car à l’atterrissage on se pose dans des champs non cultivés et parfois boueux. » Talons aiguilles à éviter, donc… Enfin, avec Air Magic, chaque vol au-dessus de la Loire et ses châteaux - celui de Mick Jagger compris - est suivi d’une dégustation de vin et de fromage au domaine des Pierrettes, dont l’un des crus a reçu la médaille d’or au Concours Mondial du Sauvignon 2024. Une façon de faire connaître les petits producteurs locaux et de sensibiliser aux vertus du circuit court. Le patrimoine gourmand d’un territoire que Richard Sandrasagara, désormais « résident permanent » en France, défend bec et ongles.
Air Magic Montgolfières, c’est aussi ICI.