« Femmes de com’ ». C’est le titre d’une série de portraits de femmes qui ont choisi la communication comme terrain de jeu. Certaines sont en agences, d’autres ont créé la leur. À travers leur parcours, elles abordent l’évolution de leur métier. Aujourd’hui, pour susciter la curiosité d’un journaliste ou celle d’un influenceur, elles doivent mettre les bouchées doubles. Certaines dorment peu, d’autres ont renoncé aux vraies vacances, par passion pour une profession en pleine transformation.
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À 10 ans, ses supers héros n’étaient ni Batman, ni Spiderman, mais celles et ceux qui partaient loin de chez eux pour couvrir la guerre du Golfe. Des journalistes tous terrains, qui assuraient la Une du « 20 heures ». « Je suis née en 1980. Je voyais des femmes ‘grands reporters’ à la télé. J’étais admirative de Marine Jacquemin. Je disais à mes parents : c’est ce que je veux faire plus tard… » Estelle Gentilleau a bien eu sa carte de presse. Pendant 15 ans. Son média de prédilection : la radio. Puis elle a été élue conseillère municipale déléguée à la mairie de Bordeaux. Changement de vie, nouveau cap et glissement d’un terrain à un autre… Du journalisme, elle est passée à la communication. Des sujets sur la culture, les spectacles ou encore le vin, elle leur a préféré les campagnes électorales et autres problématiques du monde politique.
De Télé Poche à Sciences Po…
Fille d’un policier et d’une assistante maternelle, Estelle Gentilleau a toujours beaucoup lu. Romans, essais, encyclopédies… elle est curieuse de tout. Sans a priori. Ado, c’est dans Télé Poche qu’elle apprend qu’Anne Sinclair est passée par Sciences Po avant de devenir journaliste. « C’était alors une évidence : il fallait que j’intègre cette école, à mon tour », explique Estelle Gentilleau. Mission réussie. Une fois son bac en poche, elle quitte Poitiers, sa ville natale, pour Sciences Po Bordeaux, où elle est admise. La suite : un mémoire sur France Télévision, pour lequel elle croise la route de grands reporters et autres pros de l’info – à l’instar d’Auberi Edler et Bruno Albin -, et des stages, dont un qui lui ouvre les portes de France Bleu Gironde en 2002. La station lui propose des piges, qui se transforment en CDD, puis en CDI à l’issue d’un reportage qu’Estelle Gentilleau consacre à la prostitution à Bordeaux… Elle voulait du terrain. Elle en a. Et elle aime ça. « Infos géné », actualité culturelle – dont la couverture de trois opéras nationaux pour France Musique -, une chronique sur le vin… elle touche à tout. Sauf que, peu à peu, la durée de ses émissions se réduit comme peau de chagrin. Même scénario du côté des moyens techniques. Quant au terrain, il se fait glissant. Fini les échappées sur le vif et micro tendu au plus près de l’actu. Les interviews se font par téléphone… Déception. Désillusion. Enceinte de son deuxième enfant en 2013, Estelle Gentilleau commence à regarder ailleurs. Elle donne des cours de « culture générale » en prépa Sciences Po, anime des débats littéraires, rejoint la « liste d’ouverture » d’Alain Juppé - « une figure consensuelle » dit-elle -, pour la réélection de celui-ci à la mairie de Bordeaux. Un choix qui la propulse conseillère municipale déléguée. « La politique me passionne depuis toujours. Je me souviens des débuts de l’Europe, de la chute du mur de Berlin, de la première cohabitation… », confie Estelle Gentilleau. Il n’en demeure pas moins que cette période marque un tournant dans sa vie professionnelle. Un entre-deux, où il faut retrouver ses marques, entre renoncement à la carte de presse et amorce d’un projet qui tend vers la communication politique.
« Pas de politique spectacle »
Depuis 2017, Estelle Gentilleau accompagne donc des personnalités politiques. Les profils vont des écologistes jusqu’aux Républicains. « Mon travail consiste à créer une image assumée, à partir d’éléments d’un territoire, de données sociologiques et électorales. Comme un journaliste, je bâtis un narratif et, à partir de celui-ci, je mets en place une stratégie de communication. » À titre d’exemple, lorsqu’elle conseille un adjoint qui va devenir maire, « il s’agit de le rendre légitime au sein d’une équipe, mais aussi vis-à-vis de la population ». La ligne de conduite d’Estelle Gentilleau : « Pas de politique spectacle. » Son objectif : « Gagner la confiance du politique et lui donner un cadre rassurant. » Son mode opératoire : « Priorité à l’empathie. Pour cela, je travaille sur du vécu et du concret, avec mes propres retours d’expériences en tant que journaliste et élue locale. » Si elle travaille en solo à son bureau, elle aime l’esprit d’équipe et œuvre de concert avec l’entourage des politiques qu’elle accompagne. Des politiques qu’elle choisit « au feeling ». Elle peut donc en refuser. Quant à son regard sur les réseaux sociaux ? « Ce sont des outils de communication, mais gare à cette caisse de résonance qui peut se faire miroir déformant. Et surtout pas de post pour ne rien dire. Il faut une intention claire et savoir ce que l’on veut en faire… » Le ton est assuré. La communicante sait, sent, ressent. Avec une seule religion : « Le terrain d’abord ! » Surtout au niveau local. « Rien ne vaut les réunions de quartier, les pieds d’immeuble, le porte-à-porte », insiste celle qui démarre ses journées en lisant Sud Ouest. « La communication politique, dit-elle encore, c’est avant tout une profonde connaissance sociologique de son territoire. »
« Avoir une gourmandise du quotidien »
Quand elle ne travaille pas, Estelle Gentilleau traîne volontiers chez Mollat, « la » librairie de référence à Bordeaux. C’est l’un de ses QG. C’est d’ailleurs au rayon « socio » qu’elle vient d’avoir envie de « remettre le nez chez Bourdieu ». Une façon de poser un autre regard sur « les croyances du quotidien » et autre « pop culture »… Enfin, quand on lui demande ses conseils à un futur communicant qui s’intéresserait à la politique, elle répond : « Il faut être curieux, avoir une gourmandise du quotidien, lire et lire encore - à commencer par la presse -, avoir des convictions personnelles, se mettre des lignes rouges que l’on ne veut pas franchir et le dire à celles et ceux que l’on accompagne. Et puis je dirais aussi à un jeune débutant dans la com’, qu’il doit regarder aussi bien France 3 Aquitaine que Cyril Hanouna. Même si ce n’est pas toujours plaisant, ça fait partie du job en 2024. »
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« Femmes de com’ » : cette série de portraits fait écho à la formation « Relations Presse » du CELSA-Sorbonne Université (responsable pédagogique : Anne Eveillard). Prochaine session prévue du 19 au 20 septembre 2024 -> inscription : ICI
Autres portraits de « Femmes de com’ » à découvrir : Léa Paoli, Emmanuelle Gillardo, Kattia Mendiguetti, Isabelle Crémoux-Mirgalet, Odile Idkowiak, Marina David, Sandrine Maury-Besson et Emmanuelle Klein.