« Femmes de com’ ». C’est le titre d’une série de portraits de femmes qui ont choisi la communication comme terrain de jeu. Certaines sont en agences, d’autres ont créé la leur. À travers leur parcours, elles abordent l’évolution de leur métier. Aujourd’hui, pour susciter la curiosité d’un journaliste ou celle d’un influenceur, elles doivent mettre les bouchées doubles. Certaines dorment peu, d’autres ont renoncé aux vraies vacances, par passion pour une profession en pleine transformation.
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Trente-trois. « C’est à la fois mon âge, celui du Christ, un maître nombre, un signe de chance… C’est aussi le début d’une nouvelle aventure, puisque c’est le nom que j’ai donné à la structure que je viens de créer », confie Léa Paoli. À savoir l’Agence Trente-Trois, « qui accompagne les acteurs de l’hospitalité – tourisme, hôtellerie, gastronomie, bien-être – dans leurs enjeux de communication ». Parce que sa came, c’est la com’. Et ce depuis longtemps. Le déclic : ses premiers stages à Londres dans la mode. « J’avais des facilités. » Léa Paoli parle avant tout d’une ouverture d’esprit, héritée de sa famille. « Le reste, c’est du travail. »
« J’aime l’esprit anglo-saxon »
Gamine, elle se voyait journaliste ou archéologue. Léa Paoli a grandi dans « des petits villages du Sud de la France », comme elle dit. « Là, où il n’y a rien d’autre à faire que lire et développer son imaginaire. » Mordue de bouquins, elle obtient un bac littéraire, option « histoire de l’art et arts plastiques » à Aix-en-Provence. À l’oral de français, elle se souvient être tombée sur L’Étranger de Camus et l’absurde chez Ionesco. La suite : elle plaque tout, suit son compagnon à Londres – « il venait de finir un cursus à l’école Vatel » - et enchaîne avec des petits jobs d’hôtesse, serveuse, responsable d’événements… « Je bossais non stop. » Sans parvenir à se stabiliser d’un point de vue professionnel. Elle s’inscrit alors en BTS Communication à Aix-en-Provence tout en jonglant avec les horaires d’avion pour Londres. Puis retour à Paris, pour suivre une formation en relations presse à l’ISCOM, enchaîner des stages en agences de communication et même intégrer l’une d’elles en CDI. Mais Londres lui manque. « J’aime l’esprit anglo-saxon. Les Britanniques comme les Américains ont souvent une longueur d’avance sur nous », reconnaît Léa Paoli tout en buvant une infusion dans un salon de l’hôtel Nolinski, à Paris. En 2015, elle retourne donc vivre sur les bords de la Tamise et travaille dans l’événementiel, l’hôtellerie puis la communication. C’est le Brexit qui lui fait prendre un aller sans retour pour la France. Et ce d’autant que son compagnon et elle décrochent, en même temps, un CDI à Paris : lui, en salle, auprès d’un chef étoilé. Elle, dans une grande agence de communication ciblée sur la gastronomie, où elle va contribuer à développer le pôle hôtelier et gérer de « belles ouvertures » : comme celle de l’Hôtel Paradiso, le premier hôtel-cinéma en France.
« Une question de feeling… »
« Le monde de l’agence de com’, c’est d’abord le nous et après le je », résume Léa Paoli. Ça lui va. Le tout à l’ego n’étant pas son sport favori. Mais, avec le recul, elle évoque « quelques frustrations quand même ». Comme dans bon nombre de métiers où l’on donne beaucoup tout en restant dans l’ombre des autres. « Je savais à quelle heure je partais de chez moi le matin, jamais à quelle heure j’allais rentrer. » Le tout dans un contexte hyper concurrentiel. Où chaque client perdu ou mécontent plombe une équipe et renforce l’agence qui l’a récupéré. La loi du plus fort et du plus influent. Léa Paoli poursuit : « Ce qui fait une bonne agence, c’est l’équipe et la personne qui s’occupe du client. C’est une question de feeling. Ça doit matcher entre les deux. » Comme dans un couple. Sinon ça casse. Surtout lorsque s’ajoute à la pression interne du quotidien, les nuits blanches pour boucler un dossier, les vacances qui sautent pour « monter » un voyage de presse ou superviser un tournage télé en urgence… Après plus de 10 ans, le constat est sans appel : « Le modèle de ce type d’agence ne me convenait plus. » Léa Paoli a besoin d’air. Sans business plan ni plan de carrière, elle va oser le solo en terrain connu.
« Je revendique mon indépendance et ma liberté d’action »
« Le réseau a joué. Vite. Très vite. C’est d’ailleurs parce que l’on m’a recommandée à un client, dont j’ai adoré le projet, que j’ai créé ma structure. Pas l’inverse. » Léa Paoli qualifie son agence de « singulière » et résume la vocation de celle-ci à « l’accompagnement d’adresses hors des sentiers battus, de lieux avec une âme ». La première qui lui a fait confiance ? C’est le Mas Re.Source. « Un ancien corps de ferme réhabilité en maisons d’hôtes arty, en Occitanie, au milieu de 4 hectares de terrain, avec 7 chambres et une table pour une cuisine de partage. » Décalage immédiat et déconnexion garantie. Un parti pris radical qui a déjà séduit le magazine Côté Sud, qui lui a consacré sa couverture et un sujet de 12 pages, alors que le Mas Re.Source n’ouvrira qu’au printemps 2024. « Le client était ravi. Moi aussi. C’est dans ces moments-là que je sais pourquoi j’ai choisi ce métier », reprend Léa Paoli. Puis, elle sourit en terminant son infusion : « J’avais besoin d’une autre formule pour continuer d’aimer mon travail, même si mes proches ne comprennent toujours pas ce que je fais dans la vie. Car mon nom n’apparaît nulle part, je reste en coulisse. » Discrète mais passionnée – « j’ai appris à me gérer notamment en prenant des cours de théâtre » -, elle se voit comme « un facilitateur pour les relais d’opinions que sont les journalistes ou les influenceurs ». « Je ne leur survends rien. Je leur dis juste : venez voir, c’est fait pour vous… Et comme je n’affectionne pas de relancer mes interlocuteurs, je privilégie le sur mesure. » Aujourd’hui, quand on lui demande ce qu’elle fait dans la vie, elle répond : « Je travaille dans la communication. Je ne réalise pas encore que je viens de créer mon agence. Tout est allé très vite. Mais je revendique mon indépendance et ma liberté d’action, c’est le meilleur moyen pour réussir - après le travail bien sûr ! »