Un premier rendez-vous est d’abord donné dans un restaurant proche de la gare St Pancras, à Londres. Finalement, l’entretien aura lieu dans son QG parisien : l’espace bibliothèque du Fumoir, au calme, entre Seine, Louvre et Bourse de Commerce. Parce que Philippe Lassaux voyage non stop : une douzaine de longs courriers par an et des sauts de puces de deux heures de vol, environ deux fois par mois. Son secret pour surmonter le jet lag : « Les micro siestes dans les taxis et des heures de sommeil dans les avions. » Homme sans frontières, Philippe Lassaux exerce plusieurs métiers en même temps. Par hasard. Par envie. Par défi. Par passion. « Je suis entrepreneur, chef d’entreprises et décorateur. » Le tout au service de l’hospitalité et de l’art de vivre. Ses domaines de prédilection : la mode, l’hôtellerie, la restauration, le design, la déco, les décors. Avec trois domiciles : Bangkok – « où se trouve ma résidence principale » -, Paris et Varsovie. Son bilan carbone n’est pas bon. Mais son bilan professionnel a de la tenue : avec son mari et associé Philippe Rusin, ils sont à l’origine de quatre restaurants et cafés Dark à Bangkok, dont Philippe Lassaux a imaginé chaque pièce de mobilier, objets et détails, pour faire coïncider les cartes avec les lieux. On lui doit aussi l’aménagement d’hôtels – dont le Public House à Bangkok – et la conception de résidentiel à Paris et Varsovie. À cela s’ajoute, depuis 2023, les premières collections de mobilier sous l’enseigne P.H.I. Interior : Phi comme Philippe, mais aussi comme philein, qui signifie « aimer » en grec. Où la créativité de Philippe Lassaux fait bon ménage avec le savoir-faire d’artisans d’art, pour des pièces sur commande et sur mesure.
« Les préjugés sont absurdes »
Ado, il voulait devenir véto. Il rêvait de soigner les animaux. « Mais le jour du bac, c’est le trou noir en sciences naturelles », se souvient Philippe Lassaux. On lui concède un 7/20. Pas assez pour se présenter au concours d’entrée à l’école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort. Il s’inscrit alors en droit à Sceaux et intègre, « sans prépa », l’Isit, la grande école multilingue. Deux cursus qu’il mène en parallèle à l’orée des années 1990, puis auquel s’ajoute un diplôme d’expert-comptable. Son premier job : des ressources humaines et de la comptabilité dans un cabinet, où il accompagne le passage aux 35 heures d’un club de foot, d’une compagnie pétrolière, d’artisans… Il endosse ensuite la panoplie de juriste dans la branche pharmaceutique d’Altana, puis chez Guy Degrenne. Avec des fiches de postes qui sont aux antipodes de son profil : « J’aime montrer que les préjugés sont absurdes et démontrer que je peux apporter quelque chose là où l’on ne m’attend pas. » Et quand il y parvient, il passe à autre chose. Par peur de l’ennui. Par goût de l’aventure. C’est comme ça qu’il s’est retrouvé directeur retail d’une grande marque de prêt-à-porter en Asie et qu’il s’est installé à Bangkok en 2014. Touche-à-tout, le globe-trotter ne s’interdit rien. Lorsque son mari, alors prof d’économie à l’université, le rejoint en Thaïlande, le duo se prend au jeu de la conception et du management notamment de restaurants, à la demande d’une famille d’investisseurs asiatiques. Sans aucune formation de designer, ni d’archi d’intérieur, Philippe Lassaux se fait aider et conseiller par un architecte. L’instinct et ses carnets de voyages le guident. Les couleurs et les matières aussi, avec la création d’une palette pour chaque projet. Il dessine. Sans complexe. Car son travail plaît. Il dessine encore et sollicite des artistes pour collaborer, des artisans d’art pour fabriquer. Le mode opératoire est trouvé. Ainsi la collection Préambule, témoigne de la créativité du Studio Högl Borowski et de la finlandaise Milla Vaahtera, mais aussi du savoir-faire des ferronniers d’art de la maison Pouenat, des tapissiers des ateliers Jouffre, des experts de la lave émaillée de l’entreprise Ranieri.
Des collections « en liberté » sur le métavers
Les premières réalisations éditées par P.H.I. Interior sont visibles sur le Web et font l’objet d’une expo itinérante, qui fera étape à Paris au printemps 2024. Mais le duo Lassaux-Rusin investit aussi le métavers, avec des collections « en liberté » au cœur d’une nature luxuriante, de laquelle s’échappent des chants d’oiseaux, bourdonnements d’abeilles, souffle du vent... Un travail mené avec le laboratoire numérique milanais Evoquelab. Pour l’heure, Philippe Lassaux, dont le carnet de commandes affiche complet à Bangkok, projette de créer une agence et de recruter, pour poursuivre son développement. Il parle déjà d’un « style P.H.I. » et lorgne sur les jeunes talents du design et de l’artisanat : « Si les faire travailler sur quelques pièces chaque année pouvait en révéler certains, ce serait formidable. »
P.H.I. Interior est aussi ICI