Direction Roubaix et sa « Piscine ». Bassin pour nager en 1930, celle-ci est devenue « musée d’art et d’industrie » en 2001, tout en gardant son style Art déco. Une ville et un écrin sur mesure pour recevoir, jusqu’au 8 janvier 2023, une exposition consacrée à William Morris (1834-1896). Designer textile, écrivain, poète, peintre, dessinateur, architecte, militant socialiste, écologiste, William Morris fait partie de ces figures qui inspirent et guident aussi bien à leur époque qu’une fois disparues. Sa créativité, ses idées, ses audaces l’ont conduit à poser un autre regard sur l’art, l’artisanat, mais aussi sur les artistes et les artisans. C’est le début de l’industrialisation. William Morris s’y oppose. Sa réflexion se base sur deux théories : l’art dans tout et l’art pour tous. A partir de cela, sa vie devient un roman, entre aventure humaine, rencontres et créativité en illimité, dans l’Angleterre victorienne de la fin du XIXe siècle.
« William Morris, c’est Victor Hugo, Jean Jaurès, Philippe Starck et Antoine Gallimard réunis »
C’est la première rétrospective consacrée à William Morris en France. L’occasion pour la commissaire de l’exposition, Sylvette Botella-Gaudichon, d’évoquer la richesse du parcours de cet artiste utopiste, inclassable, qu’elle décrit ainsi : « William Morris, c’est Victor Hugo, Jean Jaurès, Philippe Starck et Antoine Gallimard réunis. » Issu d’une famille aisée, William Morris se dit fasciné par les plantes et les fleurs dès son plus jeune âge. À Oxford, où il étudie la théologie, il croise la route d’Edward Burne-Jones, qui veut devenir peintre. William Morris s’oriente alors vers l’architecture et l’art, puis rejoint Burne-Jones et le peintre Dante Gabriel Rossetti, au sein du mouvement des Préraphaélites. Ce groupe d’anticonformistes, aux multiples sources d’inspiration dont la culture celte et le Moyen-Âge, veut en découdre avec la bien-pensance ambiante. Ses membres prônent un retour à la nature, à une vie plus proche des réalités quotidiennes et de l’artisanat. Une nouvelle façon de penser et de se comporter, que le critique d’art John Ruskin et William Morris s’approprient. L’Arts & Crafts voit alors le jour et révolutionne la conception des intérieurs. Les savoir-faire des artistes, comme ceux des artisans les plus spécialisés, sont à l’honneur pour redonner de la beauté aux objets du quotidien. Ici, pas question de profit. Esthétisme et qualité priment.
Une autre vision de l’organisation du travail
Lorsqu’il crée sa société en 1861, réputée pour ses vitraux, papiers peints et textiles, William Morris, le visionnaire, a une approche très personnelle de l’organisation du travail et de la hiérarchie. Son parti pris : pour être heureux dans une firme, « il faut savoir ce que l’on fait, être bien payé et avoir des congés », détaille Sylvette Botella-Gaudichon. Résultat : il reverse les profits réalisés aux ouvriers et le travail des femmes est autant valorisé que celui des hommes. Artiste, homme politique engagé, William Morris s’est également fait connaître pour ses recueils de poésie et ses romans, qui ont inspiré l'œuvre de Tolkien, l'auteur du Seigneur des anneaux. Durant son « automne anglais », La Piscine de Roubaix rend donc un bel hommage à William Morris. Au total, une centaine d’œuvres, peintures, dessins, pièces de mobilier et textiles sont exposés, avec une scénographie - signée Cédric Guerlus (Going Design) - calquée sur l’atmosphère d’une maison victorienne. À ne pas manquer non plus : les sept artistes contemporains qui font écho à l’univers de William Morris. Parmi eux, les collages tout en humour et dérision de Pat le Sza ou encore les vêtements « hors de la mode » de Marilyn Feltz, où influences et références mixent Arts & Crafts, Art déco et autre culture clubbing.
La Piscine : 23 rue de l'Espérance, 59100 Roubaix. Tél: 03 20 69 23 60. Et sur le Web, c'est ICI.