Il fallait oser. Oser créer un magazine par temps de crise, où le prix du papier n’en finit pas de grimper. Oser imprimer en France, dans la Vienne – à Ligugé très exactement -, où là aussi l’addition est plus élevée que de l’autre côté de la frontière. Oser, enfin, investir un secteur qui leur est inconnu. Car ils ne sont ni éditeurs, ni patrons de presse. Sylvie et Patrice Besse bossent dans l’immobilier. « L’idée du magazine, c’est venu naturellement », disent-ils. Une rencontre avec l’équipe du trimestriel Regain, dirigé par Daphné Hézard, et c’est le début de l’aventure. Malgré le Covid. Malgré l’essoufflement des tirages de la presse papier. Les Besse avaient envie de sortir des sentiers battus, tout en développant autrement l’entreprise familiale, qui se transmet depuis trois générations. « Le magazine reflète l’esprit et l’activité de notre agence, sans être une succession de petites annonces », explique Sylvie Besse. Avis partagé par son mari, qui ajoute : « Les sujets, c’est nous. La production, c’est Regain. » Baptisé Singuliers, le premier numéro vient de sortir. Diffusé à 25 000 exemplaires, il se destine aux abonnés de M, le magazine du Monde, mais on le trouve aussi sur le site de l’agence Patrice Besse et dans le futur coffee shop que le duo s’apprête à ouvrir cet automne, à Paris.
« Ville médiane »
De quoi parle Singuliers ? De patrimoine sous tous ses aspects – bâti, paysage, culture, artisanat, gastronomie…-, d’art de vivre, de curiosités… « C’est un doux mélange de ce qui nous touche », reconnaît Patrice Besse. Il ajoute : « Plus on va dans le détail, plus ça m’intéresse. » Et ce aussi bien à propos d’un château que d’un hangar, surtout si celui-ci est une création de l’architecte Ferdinand Fillod. Il avoue aussi un faible pour « ces petites villes qui comptent de nombreux bâtiments d’une grande richesse sur le plan patrimonial ». D’où un sujet sur Nevers - 34 000 habitants -, dans le premier numéro de Singuliers, cité ducale que son maire Denis Thuriot qualifie de « ville médiane ». Une ville sans TGV, « mais l’Intercités nous emmène en deux heures à Paris », souligne l’élu local. « De plus en plus de Français reviennent vers ces profils de villes, car c’est très agréable d’y vivre », commente Patrice Besse. Un constat qu’il faisait déjà avant la crise sanitaire. « Ce n’est pas juste un j’en ai marre de Paris, c’est aussi : avec un billet de train à 15 ou 20 euros, je suis ailleurs… » Patrice Besse sait de quoi il parle. Curieux, observateur et surtout tout terrain, il traîne, flâne, sillonne les routes du Bourbonnais comme les chemins de traverse bretons, en passant par les bords de Loire… Et ses choix, pour son agence comme pour le contenu de son magazine, se portent aussi bien sur des histoires de châteaux et manoirs, que sur des vécus liés à des maisons de villes ou villages, des moulins, des églises… Le tout avec des vues, du caractère, la proximité d’une gare ou d’un marché. Et côté prix, certaines demeures s’affichent à un tarif moindre que celui d’un studio parisien. Avant le Covid, Patrice Besse écrivait déjà ceci, dans une tribune destinée à 1 Epok formidable : « Nos campagnes et nos villages regorgent de bâtiments à bon, très bon marché, qui ne demandent pas de fenêtres en PVC ou de haies de tuyas pour s'isoler de son voisin. L'exode urbain est donc possible pour autant que le changement ne s'appuie pas uniquement sur les sempiternelles chambres d’hôtes, organisation de mariages ou de séminaires, qui - dans le meilleur des cas - servent uniquement à payer l'entretien des lieux, mais presque jamais à faire vivre une famille. »
Singuliers au pluriel…
« Nous sommes contents de cette première fois. » Sylvie et Patrice Besse se sont pris au jeu. Si bien qu’ils voient Singuliers au pluriel et vont récidiver avec un numéro 2. Quant à une version en kiosque : « Pourquoi pas ? » En attendant, ils sont à fond sur leur futur coffee shop situé 2 rue Titon, au pied d’un immeuble où trois de leurs quatre fils vivent déjà. La famille encore… « J’ai toujours voulu servir un vrai café italien à mes clients, raconte Patrice Besse. Le projet de coffee shop est parti de ça… » La carte va donc proposer du salé, du sucré et des boissons. Du snacking chic, servi de 8h30 jusqu’à 17 heures. Sylvie Besse parle volontiers d’un « concept store familial » et d’une « façon détournée d’entrer dans une agence immobilière ». Le nom de ce prochain QG : Singuliers, bien sûr.