Ouvrir le dialogue entre une mère et sa fille : l’exercice est souvent instructif… Du 23 juin jusqu’au 31 août 2022, la Galerie Les Arts dessinés - nouvelle adresse parisienne commune à Frédéric Bosser, fondateur de la revue Les Arts dessinés, et à la galerie Huberty & Breyne - expose une sélection de dessins de Dominique Corbasson (1958-2018) et de sa fille Gloria Avril. Deux talents, deux parcours, deux univers et deux invitations au voyage. Les œuvres de la première racontent Paris. Celles de la seconde s’inspirent des « roadhouses » américaines. Chez l’une, on est ici. Chez l’autre, on est ailleurs... Si bien qu’elles font « chambre » à part, dans la galerie : à chaque artiste, son espace, son intimité. Mais, en passant d’une salle à l’autre, c’est l’amorce d’une conversation imaginaire entre deux personnalités, deux regards, deux approches d’une même discipline par deux anciennes élèves de l’Ecole Duperré.
Flâneries dans Paris
Chez Dominique Corbasson, Paris prime. Une ville où elle est née, a vécu et dont elle a arpenté les rues, boulevards, places, squares et jardins, pour les immortaliser sur le vif. Tel un reporter, elle avait cet instinct pour l’instant, dans une capitale où elle aimait flâner, circuler à vélo, observer les uns, dessiner les autres, par tous les temps et en toutes saisons. Attirée par les couleurs, elle savait illuminer un trottoir, sublimer la Seine, donner une force aux toits gris de Paris… On lui doit d’ailleurs plusieurs ouvrages consacrés à la capitale, dont Joli Paris, sorti en 2016 (éd. Milan - Milan et Demi). À l'occasion de cette expo, un nouveau recueil est également disponible à la Galerie Les Arts dessinés et sur le site Web de celle-ci.
« Faire respirer le dessin »
Pour Gloria Avril, 24 ans, c’est une double « première fois ». Non seulement c’est sa première expo, mais c’est aussi le premier accrochage où ses dessins et peintures se retrouvent en marge du travail de sa mère. Sa série s’intitule « Roadhouses », allusion aux bars de routiers américains, souvent planqués au milieu de nulle part… « J’aime ces lieux isolés que l’on voit dans les films de Jim Jarmusch, David Lynch, ou encore dans les toiles d’Edward Hopper », confie Gloria Avril dans son atelier du XVIIIe arrondissement. Ses créations mêlent jeu de superposition de crayons de couleur, ambiances crépusculaires et autres lumières nocturnes, tels des clins d’œil aux « road movies », à l’errance d’un Kerouac ou d’un Wenders à travers les grands espaces américains… alors qu’elle n’a encore jamais mis un pied aux Etats-Unis. Elle puise dans son imaginaire, quand sa mère, elle, nourrissait ses dessins de ses immersions dans la vie des villes.
Quant à ses personnages, Gloria Avril les couche sur le papier tout en délicatesse et transparence. Une simplicité qui se traduit souvent par la nudité de corps posés, reposés, assis, un rien nonchalants… aux antipodes des Parisiens actifs, voire pressés, qui traversent les dessins de Dominique Corbasson. En revanche, comme sa mère, Gloria Avril ne fait pas de fond : « Je garde du blanc du papier, pour faire respirer le dessin... » Une expression qu'elle lui a chipée, tel un hommage, une complicité qui se poursuit dans le temps. Enfin, cohabiter « en famille », et en galerie, a rappelé à Gloria Avril le projet en arts appliqués sur le thème de « la rencontre », qu’elle avait dû mener en 72 heures chrono aux épreuves du bac. Elle se souvient encore de sa note : « J’avais eu 17/20... » La jeune pousse d’hier transforme l’essai aujourd’hui.
Galerie Les Arts dessinés : 19-21 rue Chapon, Paris 3e - du mardi au samedi de 11h à 19h - Métro : Arts et Métiers ou Rambuteau.