On s’active dans les salles et salons de la maison Millon, à deux pas du Trocadéro. L’étude parisienne prépare la première vente aux enchères publique d’Europe, consacrée aux sneakers en éditions limitées. Il s’agit de baskets jamais portées, même pas essayées. Les boîtes sont intactes. Tout comme les accessoires : nickel. « Parfois des lacets sont déjà enfilés, selon la méthode et les codes du fabricant. Mais c’est tout », précise Nicolas Kerkeny. À 25 ans, ce fan de mode, de basket-ball et collectionneur de sneakers, a été nommé « consultant » de cette vente de baskets prévue le 15 mai 2022 dans le quartier Drouot. « Je n’ai pas le titre d’expert, confie-t-il. Mais je sais reconnaître le vrai du faux à un logo, la couleur d’une semelle, l’odeur d’une colle… » Un savoir et savoir-faire qui a incité Loving Sneakers à solliciter Nicolas Kerkeny pour approcher, ensemble, Alexandre Millon, à la tête de la maison de ventes éponyme. L’idée : lui proposer la dispersion de paires de sneakers, toutes collectors. Certains seraient partis en courant. Alexandre Millon, lui, a dit banco, illico. Et pour cause : « Depuis dix ans, nous avons un département dédié à la culture pop », explique-t-il. Un espace où la basket a donc sa place. À l’instar du jeu vidéo, dont l’étude Millon a orchestré la première ventes aux enchères en Europe, à l’orée des années 2010. Dans la culture pop, un objet devient rare du fait de son utilisation : à un moment, on ne le trouve plus, sauf chez des collectionneurs. « Or, avec certaines paires de sneakers, du fait de leur non utilisation, tel un jeu vidéo encore sous son blister d’origine, ces pièces se font encore plus rares », souligne Alexandre Millon. De quoi alors attirer les amateurs, « les fondus », jusqu’en salle de ventes.
« Il y aura du 35 ½ jusqu’au 48 »
De « la » Jordan aux Air Max, en passant par les Yeezy et autre Air Force 1, une pléiade de baskets cultes, pour la plupart griffées Nike, vont défiler sous le marteau de Maître Millon. Nicolas Kerkeny parle de quelque 200 paires dénichées, en cinq mois, chez des collectionneurs qu’il connaît en France, en Espagne, au Portugal. Parmi les curiosités, dont la mise à prix flirte avec les 12 000 euros : le modèle « Air Jordan 1 High Dior » édité à 2 500 exemplaires, la collab’ « Chanel x Pharrell x Adidas NMD HU Trail » ou encore la paire « Off-White » for Nike « Air Jordan 1 » dédicacée par le styliste Virgil Abloh. Que les moins fortunés se rassurent : des paires à 160 euros sont également inscrites à la vente. Quant aux pointures, Nicolas Kerkeny a vu large : « Il y aura du 35 ½ jusqu’au 48. » Histoire de s’adresser à toutes les tranches d’âges, sans oublier les collectionneuses, qui rament à trouver des paires en dessous du 40.
Paire précieuse
Cette vente du 15 mai met également en exergue le phénomène de société autour des baskets. Une sorte de « sneakers forever », passé d’effet de mode à art de vivre et appartenance à un groupe. Une dynamique qui a poussé, peu à peu, toutes les marques de luxe à mettre un pied dans le marché des vêtements et chaussures de sport. Car pas de streetwear sans sneakers. Quant aux modèles de collection, ils ne sont que la face émergée d’un business qui en pousse certains à faire le planton, parfois des nuits entières, devant une boutique à Paris, Londres ou Amsterdam, pour rejoindre le club des quelques chanceux qui pourront acquérir une paire précieuse, en série très limitée, pour la revendre jusqu’à dix fois son prix au sein d’une communauté de passionnés. « C’est un vrai job pour quelques-uns », explique Nicolas Kerkeny. À commencer par les lycéens et les étudiants, qui peuvent gagner plusieurs milliers d’euros par mois en jouant les rapporteurs de sneakers. Bien plus rentable que le baby-sitting... Au fait, pour les uns, « sneaker » est un dérivé du verbe « to sneak in » (se faufiler). Pour d'autres, le mot viendrait de l’onomatopée « sneak sneak » que font les Anglo-saxons lorsqu’ils imitent le crissement du caoutchouc sur un terrain de basket... Un dérisoire devenu signe de connaissance et de reconnaissance.
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Loving Sneakers : vente le dimanche 15 mai 2022. Exposition les 13 et 14 mai de 11h à 18h. Salle VV : 3 rue Rossini, Paris 9e