1 Epok formidable x Corridor Éléphant mettent en avant le travail de la photographe Anouck Everaere. Avec arrêt sur ses images d’une série intitulée Saison.

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Le travail d’Anouck Everaere, c’est une porte ouverte sur cette France un brin décalée, planquée, méconnue, plus proche d’une gare de TER que de celle d’un TGV. Parfois c’est même un autocar qui s’y arrête. Anouck Everaere, 30 ans, a choisi Lussas, en Ardèche, pour poser ses bagages. Lussas : 1 129 habitants au dernier recensement.

© Anouck Everaere

Au lycée, elle shoote ses amis, la vie nocturne, la fête…

Si tout la prédisposait à devenir photographe, rien ne la prédestinait à vivre à la campagne. « Je veux faire des photos depuis l’âge de 7 ans, avant même d’avoir eu mon premier appareil », confie Anouck Everaere. L’image l’attire. Elle le sent, elle le ressent. « Dès l’école primaire, je me voyais, plus tard, prendre des photos toute la journée ! Je ne sais pas pourquoi. Je cherche encore aujourd’hui à comprendre ce lien fort que j’ai avec l’image. » Une quête qui guide son travail, la pousse même dans certains retranchements. « Mon premier appareil ? C’était celui de ma mère : un Olympus, automatique. » Née à Lille, Anouck Everaere a grandi dans le nord de l’Isère, « dans une ville nouvelle, au sein d’un lotissement, entre zone industrielle, prison et HLM ». Avec son premier boîtier, reçu en cadeau dans ses années de lycée, elle shoote ses amis, la vie nocturne, la fête… tout ce qui permet de s’évader d’un environnement où elle a vite compris la signification du mot « mélancolie ».

© Anouck Everaere

En immersion avec les punks d’un squat montpelliérain

Après son bac littéraire « option cinéma », Anouck Everaere s’inscrit à l’Atelier Magenta du photographe Dominique Sudre, à Villeurbanne. Là, elle décroche son CAP photo. Ce qui l’a le plus marquée durant cet apprentissage ? « Le côté brut du négatif, sa réceptivité chimique et le temps passé au laboratoire. » Une fois diplômée, elle s’interroge : « J’ai à peine 18 ans et je me demande ce qu’il faut faire pour devenir photographe, quand aucun membre de ma famille n’a d’amis galeristes, ni même la moindre connexion dans le secteur de la culture. » Alors direction les Beaux-Arts de Montpellier. Elle va y rester deux ans, même si l’enseignement ne lui convient pas. Trop de théorie et d’a priori. Elle, son moteur, c’est « la pratique liée aux expériences, à l’immersion ». Elle va ainsi vivre au sein d’une communauté punk, dans un squat montpelliérain : « Je les photographiais la nuit et, le jour, je développais au labo des Beaux-Arts. » Une série en noir et blanc qu’elle n’a encore jamais exposée, ni même montrée. La suite : des petits boulots à travers la France et une année à l’École de photographie et d’images Bloo, à Lyon. Là, elle rencontre le photographe Gilles Verneret et comprend qu’elle veut donner à sa pratique « une approche documentaire sensible ». C’est le début de ses premières expositions. Puis, au hasard de la projection d’un film consacré à l’École documentaire de Lussas, elle décide de postuler dans cet établissement.

© Anouck Everaere

Sur les traces de l’industrie à la campagne

« Je suis arrivée en 2017 au village documentaire, comme on dit ici à Lussas Aujourd’hui, je suis en CDI. » Anouck Everaere accompagne des projets de films ou autres masterclass de réalisateurs. Elle anime aussi des ateliers d’éducation à l’image dans les écoles et en Ehpad. Ce qui lui permet, en parallèle, de nourrir et mener ses projets photos aux longs cours. Actuellement, elle suit une équipe féminine de rugby, enquête sur la contraception masculine, s’intéresse aux jeunes qui vivent à la campagne… Elle pige aussi pour Libé, « quand ils ont besoin d’une correspondante en Ardèche ». Pour les photos de sa série Saison, Anouck Everaere a évolué dans un périmètre de 50 kilomètres autour de Lussas. Vaste terrain de jeu. Le résultat : tel un clin d’œil à sa jeunesse en zone péri-urbaine, elle a recherché les traces de l’industrie à la campagne. « Mes images ne sont pas celles d’une campagne qui vit de sa terre, mais d’un territoire en lutte contre un projet de basilique, une usine de bétonnage, une centrale nucléaire qui tremble… » Elle montre aussi ceux qui grandissent dans cet environnement aux antipodes des grandes villes et elle s’approche, se rapproche, de la nature. Une nature qu’elle commence à apprivoiser pour y être désormais immergée, accueillie, adoptée.  « Je suis très attachée à chercher une poésie dans les petites choses du quotidien. Les enfants n’ont rien perdu de ça. Je les observe dans les ateliers que j’anime. Je les vois évoluer, s’émerveiller au fil des séances, au fur et à mesure qu’ils découvrent le dispositif et le pouvoir des images. »

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© Anouck Everaere