À Paris, le Jeu de Paume, centre d’art dédié à la photographie, se situe dans le jardin des Tuileries. À Tours, il a ses quartiers dans le château de la ville. Face à la Loire. La Loire dont il est justement question dans l’expo consacrée à Thibaut Cuisset, accrochée jusqu’au 22 mai 2022 au Jeu de Paume tourangeau. Du Massif central jusqu’au port de Saint-Nazaire, le photographe a suivi, longé, sillonné les 1 013 kilomètres du cours de la Loire, le plus long fleuve de France. Son mode opératoire : l’errance, la route – en voiture avec une carte Michelin -, l’observation, l’attente, la contemplation. Avec pour seul bagage, sa chambre photographique, posée sur un trépied, pour permettre au temps, à la durée, de se poser, se déposer dans chacune de ses images. Une certaine idée du « voyager léger ».

Thibaut Cuisset /
Sully-sur-Loire, Loiret, 2001
Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © ADAGP, Paris, 2021

Raconter sans un mot

La Loire, Cuisset la conte, la raconte, comme un roman. Mais sans un mot. Juste avec des paysages et de rares personnages. Un parti pris et des points de vue qui en disent beaucoup sur une ville, un village, une campagne… sur leur économie et sur l’écologie aussi. À l’instar d'une plage du Maine-et-Loire, peuplée d’estivants durant l’été 2004. Ou de la diversité de l’architecture de Nevers, en arrière-plan du fleuve. Ou encore de l’activité du port de Saint-Nazaire, là où la Loire s’apprête à se jeter dans la mer. Là où elle est la plus large. Là où Cuisset la shoote aussi de face et non plus seulement de profil, pour en montrer son étendue, à perte de vue.

Thibaut Cuisset /
Entre Nantes et Saint-Nazaire, Loire-Atlantique. 2004 Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris
© ADAGP, Paris, 2021

Des commandes qui n’enferment pas

Disparu en 2017, Cuisset associait son métier à l’idée de voyager. Pas d’images sans voyages. Et pas d’images sans paysages, le meilleur langage pour « dire » un pays, expliquait le photographe, pensionnaire de la Villa Médicis à Rome en 1992. Pour lui, rien de mieux qu’un champ, une prairie, une rue, une route… pour observer les liens entre nature et culture, mais aussi pour voir comment l’homme habite et s'empare de son territoire. Son travail lié à la Loire a duré une décennie, de 2001 à 2010, au rythme de plusieurs commandes. La première, Images au Centre, visait à proposer au public qui visite les châteaux de la Loire une rencontre avec l’art contemporain. La deuxième, venue de la ville de Saumur, a permis à Cuisset de longer le fleuve de Tours jusqu’à Nantes. Une troisième commande de la commune d’Amilly, Regard sur le territoire amillois, a mené le photographe du côté des « mutations paysagères ». Puis, une commande de l’artiste Olivier Leroi, suite au 1% artistique lié à l’ouverture de la maison de la Loire au mont Gerbier-de-Jonc en 2010, a conduit Cuisset à explorer les bords du fleuve de sa source jusqu’à l’estuaire. Enfin, grâce au prix de l’Académie des Beaux-arts, qu'il a reçu en 2010, le photographe a pu parcourir Loire, Loir-et-Cher et Haute-Loire. Les commandes lui ont donc permis de poursuivre ses recherches personnelles. Des commandes qu’il ne percevait pas comme un enfermement. Au contraire. Pour lui, c’était une marque de confiance. Il en appréciait le cadre, les contours, tel un exercice de style qui pousse dans certains retranchements, ouvre des fenêtres, redonne de la liberté. Un exemple : la commande du « 1% artistique » l’a « contraint » à  faire une image tous les 50 kilomètres, tel un arrêt-buffet où tout est possible.

Thibaut Cuisset /
Amilly, Loiret, 2002
Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © ADAGP, Paris, 2021

De Corot à Pasolini…

Enfin, le travail de Cuisset, c’est aussi une lumière particulière. Celle de midi. « Celle qui offre des couleurs très claires, avec peu d’ombres », explique le photographe dans un documentaire projeté en marge de l’expo, dans une alcôve du château de Tours. Résultat, ses images se reconnaissent à leurs tonalités pastel. Cuisset parle d’« éblouissement » que quelques peintres et cinéastes ont réussit à reproduire. Il cite Corot et Cézanne, puis Pasolini, Antonioni et la Nouvelle Vague. On ressort du Jeu de Paume de Tours comme on revient d’un voyage : dépaysé, émerveillé, conquis. En tout cas, le temps de la visite, Cuisset nous emmène loin, sans pour autant quitter les bords de Loire.

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Thibaut Cuisset, Loire : jusqu’au 22 mai 2022 au Jeu de Paume – Tours, 25 avenue André-Malraux, 37000 Tours. Tél : 02 47 21 61 95 – De mardi à dimanche de 14h à 18h.

Thibaut Cuisset /
Saint-Nazaire, Loire-Atlantique, 2010 Courtesy Galerie Les filles du calvaire © ADAGP, Paris, 2021