Quand il ouvre la porte de son appartement, perché au 6e étage d’un immeuble du XIIe arrondissement de Paris, c’est sa chienne Misty qui sert de comité d’accueil. Misty comme le matin « brumeux » où ce cocker a été adopté. Misty aussi en référence à Play Misty for me de Clint Eastwood… Dimitri Rybaltchenko demande à son animal de compagnie de rejoindre son panier. La bête de Seine s’empare d’une balle rouge et va se coucher. « Je l’emmène partout. Même au bureau », confie-t-il. Un bureau partagé où Misty a la cote. Un bureau planqué dans le XIe arrondissement où Dimitri Rybaltchenko a installé ses deux ordinateurs aux écrans XXL. Des outils indispensables pour ce dessinateur qui touche à tout et fait beaucoup. Si bien qu’il a du mal à se définir. Pas pour lui l’exercice du « pitch ». Résultat : quand on lui demande ce qu’il fait dans la vie, il répond avec humour : « Je fais ce que je peux et je fais de mon mieux. » Un parti pris qui a su séduire la maison Hermès, pour laquelle Dimitri Rybaltchenko travaille, en indépendant, depuis une trentaine d’années. Dessins, images, accessoires, objets connectés… il peut tout créer. À commencer par les motifs des carrés de soie de la maison du faubourg Saint-Honoré. Une sorte de « tradition familiale », susurre-t-il. Son père et son grand-oncle en réalisaient eux aussi. Vitrines et scénographies pour Dior, Yves Saint Laurent ou Hermès, pièces de mobilier pour Fendi Casa, créations pour Diptyque, obstacles pour le Saut Hermès… l’artiste n’a pas de limite. Il aime le hors-piste, les chemins de traverse, les routes sinueuses qui stimulent son imaginaire ou le mènent ailleurs. En 1990, durant une échappée de trois mois au Népal, il envoyait lettres et dessins à Jean-Louis Dumas, ancien patron d’Hermès, disparu en 2010. « Il avait aimé cette correspondance un brin décalée. En particulier, un dessin de pélican. C’est comme ça que j’ai eu ma première commande de carré », se souvient Dimitri Rybaltchenko. La spontanéité le guide. Les rencontres le nourrissent. « J’aime échanger, partager, élargir mes horizons, sinon j’ai la sensation d’être un peu seul dans ma caverne. »

Tout part de ses notes et croquis qui noircissent les pages de ses carnets Moleskine

Gamin, il fuyait le « trop scolaire », comme il dit. Mais pas toujours simple de sortir du rang. Ça lui a joué des tours. Il a décroché son bac B, dans le privé, en mettant les bouchées double. La suite : un an à l’Atelier de Sèvres, puis l’entrée aux Arts déco « ratée à cinq places près ». « L’histoire de l’art m’a planté. Il faut dire que la veille de l’épreuve, je n’avais pas dormi de la nuit… » Dimitri Rybaltchenko finira son cursus à l’ECV, avant de bosser « un peu dans la pub » et amorcer ses premières commandes en « free lance » de graphisme, dessins, objets... Depuis, son mode opératoire n’a pas changé. Tout part de ses notes et croquis qui noircissent les pages des dizaines de carnets Moleskine qu’il stocke avec soin, dans sa cave. Comme de bons crus. Ensuite, ce fan d’informatique accorde papier et digital, factuel et virtuel. « Il y a de la poésie dans la technologie et mêler les deux, ça m’intéresse. »

Faire confiance à l’instinct sur l’instant

Son rêve : « Utiliser la nature comme un ordinateur. » Autrement dit :  trouver des réponses « naturelles » à tout un tas de problématiques. Ça gamberge dur… Ces temps-ci, Dimitri Rybaltchenko a également envie de collaborer avec des artisans, découvrir leur savoir-faire, manipuler de nouvelles matières. Papier peint, tapisserie, vitraux, marqueterie de paille… tout l’inspire pour « proposer autre chose », laisser vagabonder le geste, faire confiance à l’instinct sur l’instant. Il veut avoir le choix, flâner, se perdre, « tel un pied de nez aux algorithmes de Google ». Attiré par l’aspérité, le tout tracé ennuie cet inclassable qui s’amuse à qualifier le mot « designer » de « grossier ». Sur sa lancée, il s’insurge contre certaines impostures artistiques qui le laissent sur sa faim… Mais il est rappelé à l’ordre par Misty : c’est l’heure de sa balade. La chienne a quitté son panier. Son maître met son bonnet. Les inséparables sont de sortie. Pas question de s’immiscer dans cette complicité.

Dimitri Rybaltchenko est aussi ICI.

batterie nomade / powerbank / volt’h © Hermès