Il avait le choix. Il aurait pu préférer un boulot plan-plan, jouer la sécurité, avoir des tickets resto, des horaires de bureau, ne pas prendre de risque. Mais Olivier Waltman avait besoin d’air et envie d’art. Alors un beau matin, il a démissionné d’un job un peu planqué, bien payé, pour tenter l’aventure ailleurs. Son histoire se raconte et se rythme avec cinq sujets de philo sur la liberté, que l’on pose régulièrement au bac.
Être libre, est-ce faire ce que l’on veut ? C’est un début pour s’affranchir de certaines pesanteurs… Né à Paris, Olivier Waltman a grandi à Sartrouville, dans les Yvelines. Parents commerçants, vie de banlieue, bon élève au bahut, prépa au lycée Carnot à l’orée des Batignolles et entrée à Sup de co’ de Reims. Jusque-là, pas de vague. L’ado est dans le rang, histoire de rassurer la famille. À l’issue de son cursus en école de commerce, il transforme un stage chez Sony en CDI. Au marketing. Sauf qu’il s’ennuie assez vite. Certains matins, il part bosser à reculons. C’est le moment de « la remise en question », comme il dit. « Je me suis demandé ce que j’avais vraiment envie de faire…. » Réponse : « Libraire, me rapprocher du spectacle vivant - car je suis fan de théâtre et d’opéra - ou être entouré de tableaux. » À force d’entrer dans les musées et galeries d’art de la capitale, c’est vers la troisième piste qu’il s’oriente. Sauf qu’il ne vient pas du sérail. Pas de collectionneurs dans sa famille et, de son côté, il ne sort pas de la « bonne » école. C’est le début de la galère. Il va falloir ramer.
Être libre, est-ce pouvoir choisir ? Le choix est fait. Mais les galeristes parisiens ne répondent pas aux CV qu’Olivier Waltman laisse ou envoie. Alors retour à un poste de commercial. Faute de mieux. Jusqu’au jour où le propriétaire d’une galerie, rue des Francs-Bourgeois, qui fait de la vente de tableaux et un peu d’encadrement, l’appelle. « Vous cherchez toujours du travail ? » « Oui... » Ce n’est pas la galerie de ses rêves, mais Olivier Waltman va tout y apprendre. Sur le tas. Habile, subtil, il se fait un œil, se forge une opinion, affine son goût. « Mes études de commerce m’ont servi pour rédiger un contrat et lire un bilan. » Il va rester dix ans dans cette galerie du Marais. Puis, un matin, il décide de ne pas rempiler.
Dire non, cela suffit-il à être libre ? Ça aide… En 2005, Olivier Waltman prépare l’ouverture de son propre espace à Saint-Germain-des-Prés, en vue d’exposer « sa » sélection d’artistes contemporains. À l’époque, le dollar est au plus haut, les Américains fréquentent la rive gauche et peuvent acheter plusieurs pièces d’un coup, dans les galeries des rue de Seine et Mazarine. Olivier Waltman veut proposer de l’inédit, du « pas déjà vu ailleurs ». Il part alors un an, « pour me laver l’œil, découvrir des œuvres, rencontrer des artistes, visiter galeries et écoles d’art ». Rome, New York, Cologne, Tel-Aviv… il va et veut voir « des choses ». Une sorte de voyage initiatique. Une virée en solo de laquelle il ne ramène aucun partenariat, car son positionnement est encore fragile. Mais il sympathise avec le peintre Jérôme Lagarrigue, alors pensionnaire à la villa Médicis, à Rome, et lui propose de l’exposer à Paris. Quinze ans plus tard, il le représente toujours. Une certaine idée de la fidélité.
La liberté connait-elle des limites ? Olivier Waltman aime le mélange des gens et des genres. Dans sa galerie de Saint-Germain, abstrait et figuratif cohabitent. Art électronique, photo, peinture et design se côtoient. « J’expose ce qui me touche », confie-t-il. Quitte à « disparaître des écrans radars » et oser la case « inclassable ». Revers de la médaille : « J’ai mis plus de temps que d’autres à percer. » Aujourd’hui, avec la trentaine d’artistes qu’il représente – dont deux entreront en collections muséales en France et aux Etats-Unis, courant 2022 -, il a sa place dans les principales foires parisiennes et internationales. En 2010, il s’est associé à l’ouverture d’une galerie à Miami. En septembre 2021, il a créé une deuxième adresse parisienne dans le Marais, « avec 4,50 mètres de hauteur sous plafond pour accueillir les grands formats ». En particulier ceux du peintre François Bard, dont il a accroché une vingtaine d’œuvres en guise d’expo inaugurale.
Doit-on apprendre à être libre ? Olivier Waltman n’en finit pas de cultiver le pas de côté. Il veut profiter des 160 m2 de sa nouvelle galerie du Marais pour organiser des lectures, rencontres artistiques, répétitions de théâtre… Le tout sans décrocher l’expo en cours et dans une atmosphère de « dîner à la maison ». De l’essentiel à une échelle confidentielle. Cet hiver, il projette aussi d’ouvrir un bureau à Londres : une nouvelle aventure avec d’autres rencontres, d’autres découvertes. Parfois, il retourne dans son ancienne école de commerce, à Reims, pour enseigner « la modélisation d’une création d’entreprise ». D’emblée, il a tendance à déconseiller son propre parcours aux étudiants, car trop sinueux, trop aléatoire. Puis, peu à peu, il leur explique que les chemins de traverse conduisent plus volontiers vers l’indépendance et la liberté. À partir de là, il commence à leur apprendre à désapprendre.
Galerie Olivier Waltman, à Paris, Miami et aussi ICI.