C’est l’heure du déjeuner. Il fait chaud. Le soleil tabasse les gravillons immaculés de la place du Louvre. La réverbération est à son maximum. En pantalon de toile et tee-shirt, les cheveux attachés, Stéphanie Langard participe aux finitions de l’installation de ses « Crowned Trees ». Imposants, élégants, majestueux, ses arbres-sculptures sont posés, déposés, exposés jusqu’au 18 octobre 2021, entre l’église Saint-Germain-l’Auxerrois et la colonnade du Louvre. Le plein air, c’est une première pour l’artiste. Et une sorte de retour à la nature pour ces troncs, qui se destinaient à être brûlés, en bûches ou en granules, à cause de leurs irrégularités ou autres aspérités. Or, les défauts, « les accidents » comme elle dit, c’est ce qui plaît à cette ancienne élève de l’Ecole supérieure d’art et de design (Esad) de Reims. Elle n’aime pas le « tout lisse », « car on apprend plus de l’échec que de la réussite ». Fille du Nord - elle est née dans la Somme -, Stéphanie Langard trouve sa matière première en forêt d’Eu, futaie riche en frênes, dont certains ont plus de deux siècles. Son mode opératoire : redonner vie et beauté à du bois déjà coupé, abandonné, voué au feu, en créant, à même ce matériau brut, une pièce en grès, telle une couronne qui pare chaque tronc dont elle s’empare. « La grume inspire la pièce réalisée. Avec la terre pour point commun entre l’arbre et le grès », explique l’artiste. Quant au figé, elle l’évite. « Je fais toujours en sorte qu’une œuvre soit en mouvement », souligne celle qui aime jouer avec la gravité et l’inattendu.
« Une façon d’être connectée à mon père »
Gamine, Stéphanie Langard dessinait déjà beaucoup. Très tôt, elle a su que son métier aurait un lien avec le trait. « C’était aussi une façon d’être connectée à mon père », confie l’artiste. Un père ébéniste, dans l’atelier duquel elle a vite eu ses habitudes. Ado, elle manipulait scie, ciseaux à bois, rabot, comme une pro. Les études ? Une suite logique : l’Esad rémoise, l’Art center college of design à Los Angeles – dont elle se souvient encore des cours de... sociologie – et la Domus Academy à Milan. A l’orée des années 2000, fraîchement diplômée, elle se positionne comme designer et architecte d’intérieur. C’est plus simple, plus facile pour démarrer, trouver des clients, s’épanouir dans un cadre où la contrainte guide. Mais, depuis peu, Stéphanie Langard se sent plus libre, plus à son aise, dans la peau et la vie d’artiste. « L’artiste peut dessiner une assise, une voiture, un tableau… » Elle fait également des parallèles avec l’artisan, le savoir-faire, la transmission, les œuvres uniques. Quant à l’architecture d’intérieur, elle en garde les réflexes dès qu’il s’agit de scénographie. Pour installer ses « Crowned Trees » sur la place du Louvre, elle a ainsi été confrontée à « une gestion de l’espace ». Et pour trouver la bonne tonalité des écrans qui servent de fond à ses arbres-sculptures, elle a imaginé un échéancier à partir du vert du feuillage environnant. Bluffant. « C’était aussi une façon de ramener la lumière de la forêt en milieu urbain. »
Eté studieux et « solo show »
Tout est allé très vite. En juin 2021, sur les conseils de son agent Stéphanie Dendura, Stéphanie Langard a soumis son portfolio à Carla Arigoni, présidente du Comité d’animation culturelle de la mairie de Paris Centre. Celle-ci, immédiatement conquise par le travail de l’artiste, lui a proposé d’investir la place du Louvre, trois mois plus tard. L’été a donc viré au studieux, pour Stéphanie Langard. Surtout qu’elle avait déjà calé le « solo show » Bodies, du 16 au 19 septembre, rue de Turenne, avec une sélection de sculptures en grès, inspirées par le corps, ses formes et mouvements. En cette rentrée, elle joue donc les cumulardes avec deux événements en marge de Paris Design Week et du salon Art Paris. Le tout avec la complicité de sa fille, Minna Dumont, qui signe tous les shootings des créations de sa mère. A 20 ans, cette fan de photo et de design textile, vient d'amorcer sa première année aux Beaux-Arts de Paris. Trois de ses premières pièces textiles, tendues sur châssis, sont à voir en introduction de l’expo Bodies. Enfin, pour 1 Epok, Minna Dumont a accepté de photographier sa mère, place du Louvre : une autre idée du portrait de famille.
Exposition « Crowned trees », jusqu’au 18 octobre 2021 : place du Louvre - Paris 1er
Exposition « Bodies », du 16 au 19 septembre 2021 : 80 rue de Turenne - Paris 3e
Stéphanie Langard est aussi ICI.