Satirix, c’est « la revue qu’on ne jette pas ». C’est écrit sur la couv’. Créée en 1971 par Lucien Grand-Jouan, sa vocation première était de fédérer des dessinateurs de presse en publiant régulièrement leur travail. Mais en refaisant le monde avec l’illustrateur Jean Effel, Grand-Jouan est incité à rencontrer le dessinateur Jean Sennep. Ce-dernier lui suggère alors de s’inspirer du magazine satirique L’Assiette au beurre, qui a eu son heure de gloire entre les deux guerres. L’Assiette au beurre, dont Jules Grand-Jouan, grand-oncle de Lucien, était l’un des plus virulents contributeurs. Avec le soutien d’une banquière et des dessinateurs pas pressés d’être payés, la revue voit le jour. Provoc’, transgression, dérision, humour noir, ironie, outrance, audace et liberté résument l’esprit de Satirix. On est aux antipodes de la « bien-pensance » et autre « bienveillance » d’aujourd’hui. Un univers décalé et déconnant, à retrouver jusqu’à la fin septembre 2021, à la galerie Orbis pictus à Paris. Celle-ci expose une sélection de dessins de presse, dont une majorité issus de Satirix, signés Sennep, Effel, Dubout, Siné, Serre, Kupka ou encore Vasquez de Sola.
200 000 lecteurs à chaque sortie en kiosque
En chiffres, Satirix, c’est 29 numéros, 663 dessins - dont 27 saisis -, 38 dessinateurs et deux années d’existence. Le numéro 23 de la revue a été confisqué le 5 septembre 1973. Il titrait en Une « La vérité toute nue » et dévoilait le gouvernement Pompidou, ainsi que la scène internationale de l’époque, sans chemise, ni pantalon… La suite : l’éditeur a été placé en garde à vue. Une procédure de deux ans a été menée contre le fondateur et le dessinateur Pino Zac. Puis, Satirix s’est arrêtée, faute de moyens. Triste fin pour une revue qui fidélisait jusqu’à 200 000 lecteurs à chaque sortie en kiosque.
Une expo dans l’expo…
Les dessins accrochés sur les murs de la galerie Orbis pictus proviennent de la collection personnelle de Lucien Grand-Jouan. Des œuvres dont certaines datent de la Révolution et qui ne sont pas toutes exposées, par manque de place. Il ne faut donc pas hésiter à demander à Sitor Senghor, le directeur de la galerie parisienne, d’ouvrir ses tiroirs remplis de trésors : une expo dans l’expo en quelque sorte. Quant aux prix des dessins mis en vente, ils débutent à 2 000 euros. Et pour les moins fortunés, le catalogue, fort bien fait, prend la forme d’un beau livre (25 euros). A l’instar de l’expo, il donne à réfléchir sur la liberté de ton aujourd’hui dans la presse. Il rappelle aussi que la marge et les chemins de traverse sont souvent des pistes à suivre.
Galerie Orbis pictus : 7 rue de Thorigny, Paris 3e. Du mardi au samedi de 11h à 19h – C’est aussi ICI.