Il a grandi entre Nancy et Paris. La gare de l’Est n’a plus aucun secret pour lui. Antoine Chauve évoque avec autant de plaisir les moments passés sous la tonnelle de la maison de Vandœuvre que les jardins et musées de la capitale. Sa mère est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine. Son père, avocat d’affaires à Paris. A 23 ans, Antoine Chauve termine un cursus à la Kedge Business School. Classique. Sans surprise pour cet ancien élève de La Malgrange. Le pas de côté de cet étudiant vient du libellé du master qu’il est en train de boucler : « Finance durable ». Là, on est aux antipodes du personnage interprété par Michael Douglas dans le Wall Street d’Oliver Stone… Il faut dire qu’entre les deux, il s’est passé près de trente-cinq ans et, depuis, le Giec (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié cinq rapports. La totalité du sixième est attendue à l’automne 2022. Mais on sait déjà qu’il y a le feu. Les températures ont grimpé de +1°C au niveau mondial. La surface gelée dans l'hémisphère nord est en dessous des 4 millions de kilomètres carrés, contre 6,4 dans les années 1990. Quant à la hausse du niveau de la mer, elle est de l'ordre de 9 centimètres en trois décennies… Rien ne va plus. Antoine Chauve en convient. Il vient d’ailleurs de lire ces résultats. Un travail nécessaire pour le stage qu’il réalise actuellement, en tant qu’analyste, à la Diteec (Direction de l’investissement - Transition écologique et énergétique) de la Caisse des Dépôts.
« J’étais le seul à avoir une formation à la green finance… »
« Après mon bac S, je voulais faire Sciences Po », raconte Antoine Chauve, tout en buvant une bière à la terrasse du Saint-Médard, à Paris. Mais, pas pour lui, le bachotage à haute dose en prépa, pour réussir le concours d’entrée. Il oublie la rue Saint-Guillaume et part à Bordeaux, pour intégrer Kedge. Après cinq ans dans cette école de commerce, il explique que la clé de son apprentissage tient aux intervenants extérieurs, en particulier durant son master, et surtout aux trois années passées à l’étranger, à se frotter et se confronter aux autres, à découvrir de nouvelles cultures. Il a ainsi vécu à Barcelone, Maastricht et surtout à Amsterdam – « ma ville préférée des trois » -, où il était contrôleur financier de projets couvrant le Benelux, pour le groupe Publicis. Le choix de la « finance durable » ? « C’est venu pendant le premier confinement. J’étais à Nancy. En journée, j’avais mes cours de master 1 à distance et, le soir, je suivais le cursus d’une licence en droit à Paris 2, en version numérique. Je me demandais ce que j’allais faire après. Et je me suis souvenu de la sensibilité des Néerlandais pour les problématiques liées au climat : leur réflexion m’avait intéressé. J’ai donc choisi cette spécialisation par conviction, mais aussi pour faire un master que personne ne choisit… encore. » En effet, ils ne sont que 25 dans sa promo, dont 70% d’internationaux. Quand il s’est retrouvé en compétition avec d’autres profils pour son stage à la Caisse des Dépôts, « j’étais le seul à avoir une formation à la green finance ». Un véritable atout à l’heure où les entreprises prennent conscience de la pertinence à intégrer des défis éthiques et sociétaux dans des stratégies et autres investissements. « Le capitalisme a ses effets pervers, commente l’étudiant. Mais, aujourd’hui, il existes des outils technologiques et financiers qui permettent d’inverser la tendance. »
« Il faut porter et défendre ce que l’on pense »
Fin juillet 2021, Antoine Chauve a fait l’objet d’une demi page dans L’Est Républicain. « Le journaliste avait repéré, sur LinkedIn, un article que j’ai co-écrit avec Gabin Primault, un camarade de promo, sur les placements d'épargnes à impact. » Une tribune publiée, via Kedge, dans la revue luxembourgeoise Sperling and star. Le contenu du papier : « Nous avons raconté le cas d’une personne qui débute dans la vie active et se retrouve confrontée à faire du placement financier. » Antoine Chauve aime écrire : « En étudiant le droit, j’ai appris à bâtir une argumentation et architecturer une pensée. » Le jeune esprit est vif. Actif. Réactif. « Tout est à créer dans la green finance. On part d’une page blanche. Il faut avoir de l’imagination pour trouver des solutions que l’on peut, ensuite, mettre à une certaine échelle. » Parallèlement, la politique l’attire. Mais pas pour faire carrière. « L’échelon local m’intéresse. J’aimerais donner des idées, me mettre au service… Il faut porter et défendre ce que l’on pense. Plus tard, je dirai à mes enfants : ne restez pas sur vos acquis, confrontez vos idées à celles des autres. » Il a aussi le sens de la formule lorsqu’il parle de « capitaliser sur la nature ». Quant à son ouverture d’esprit, elle se traduit par une vision internationale de la société qui l’entoure. « Je me sens français, mais surtout citoyen européen », dit-encore cet amateur de photo et photographe amateur, qui a sillonné le vieux continent avec son pass InterRail. « On apprend beaucoup de la diversité culturelle », conclut-il. On apprend beaucoup aussi, le temps d’un diabolo menthe avec lui.