Parfois, il suffit de pousser une porte pour avoir un peu d’air d’ailleurs. Derrière celle du 15 rue du Louvre, quasiment en face de la Bourse de commerce, le Linen Dream Lab invite à un grand voyage. C’est quoi ça ? Un lieu hybride, à la fois matériauthèque, filothèque et tissuthèque, toutes liées au lin. Normal : on est au siège de la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC). Ici, on accompagne, on aide, on conseille quelque 10 000 adhérents répartis dans une quinzaine de pays de l’Union européenne. Parce que l’Europe, c’est le premier producteur mondial de lin. Tout se passe entre le Nord de la France, la Belgique et les Pays-Bas. Entre Caen et Amsterdam. Une autre idée du circuit court : celui-ci se moque des frontières. Il fédère les savoir-faire. Quitte à aller jusqu’au Portugal pour avoir un bon tricotage. La technique et la qualité avant tout. La fibre écolo de la CELC est ailleurs. « Le lin, c’est zéro irrigation, zéro OGM, zéro défoliant, zéro déchet et biodégradable », rappelle Julie Pariset, à la tête du pôle technique et innovation de la confédération.
Tesla et Porsche multiplient les tests de carrosserie avec du lin
Textile le plus ancien du monde – il est né en 36 000 avant Jésus-Christ et, en 789, Charlemagne décrète que chaque ménage doit en tisser… -, il n’a pas pris une ride. Aujourd’hui Tesla et Porsche multiplient les tests de carrosserie avec du lin. L’objectif : remplacer le Kevlar, la fibre de verre ou de carbone par des fibres naturelles qui offrent les mêmes avantages en termes de résistance et d’allègement, tout en étant moins énergivore et plus économique dans leur fabrication. Des spécificités qui intéressent aussi l’aérospatiale, les concepteurs de bateaux ou de nacelle d’éolienne. Le lin ne sert donc pas qu’à créer vêtements et tissus d’ameublement. Quelque 10% de sa production se destinent à des applications techniques. Car il est robuste, léger, il absorbe les chocs, ce qui en fait une fibre naturelle idéale pour les matériaux composites.
« Agro ressource de proximité » et icône « green »
Du 7 mai au 10 juin derniers, un champ de lin de 250 m2 a été posé et exposé devant le BHV Marais. Avec pop-ups à tous les étages du grand magasin. Une initiative de la CELC pour sensibiliser les Parisiens aux vertus de cette fibre, dont 50% de la production mondiale vient de Normandie. Une fibre qui fait partie de notre quotidien, au-delà de la chemise ou de la veste. Quand on commence à fouiner dans le fort bien fourni Linen Dream Lab, on découvre que le lin sert à beaucoup. On peut en trouver dans une guitare, une planche de surf, un casque de vélo, une brosse à dents, une valise… La marque Artengo utilise du lin pour créer le cadre en graphite de certaines de ses raquettes de tennis. Architectes et architectes d’intérieur s’intéressent de près, eux aussi, à cette « agro ressource de proximité ». Pour l’hôtel Le Cinq Codet, à deux pas de l’Ecole militaire à Paris, Jean-Philippe Nuel a ainsi dessiné des tables basses dont le piètement est issu d’un composite à base de lin. Matière première aux multiples facettes, l’icône « green » se retrouve également dans le dôme des colonnes Morris et, désormais, dans celles d’1 Epok. Car ce lin, qui nous veut du bien, méritait bien un portrait.