« Qui a deux maisons perd la raison », disait le proverbe de Rohmer en amorce des Nuits de la pleine lune. François Avril, lui, en a trois : un pied-à-terre à Paris – ville où il est né -, un atelier XXL à Bruxelles et une adresse en Bretagne. C’est dans cette-dernière que le dessinateur passe désormais la plupart de son temps. Pourtant, quand il est allé dans les Côtes d’Armor, pour la première fois voilà une trentaine d’années, c’était à reculons. A l’époque, il faisait plutôt du surf dans le Sud-Ouest. Il était « concentré sur les vagues », comme il dit. Mais en débarquant du côté de Perros-Guirec, il a été bluffé. « J’ai aimé tout de suite. » En particulier les paysages sauvages, landes, tourbières, falaises, mer, plages… qui changent d’allure et de couleurs au gré des vents et des marées. Depuis, il a ses habitudes à Port-Blanc. C’est là qu’il a vécu les périodes de confinement. Idéal pour dessiner. Le résultat de ce travail fait d’ailleurs l’objet d’une expo, sobrement intitulée Bretagne, à voir du 18 juin au 28 août 2021 à la galerie Huberty & Breyne, à Paris. Au programme : des créations au crayon, à la plume, des toiles, des lithographies et même des sculptures d’arbres. On est loin des dessins urbains de François Avril. Paris, New York ou Tokyo, c’était l’inspiration d’hier. Aujourd’hui, la nature l’attire. « Je deviens contemplatif. A 60 ans, je peux rester immobile à regarder la mer. »
Yves Chaland, « le meilleur des profs »…
Quand on lui demande d’où lui vient son intérêt pour le dessin, François Avril fait illico allusion à son père. « Il était ingénieur et peintre du dimanche. Dans la maison, il avait son endroit à lui, où il faisait de la peinture à l’huile, en écoutant du jazz. » Le jeune François associe alors dessin et lieu à part où l’on a un peu carte blanche… Même si ses parents lui recommandent de « faire d’abord un métier sérieux », il intègre l’Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art. Les « arts a’ », où il croise la route d’Olivier Kuntzel – du duo Kuntzel + Deygas -. Les deux copains d'école vont décrocher les deux premières places de leur promo. Qui était le premier ? « C’est moi », répond François Avril. Dans le Paris des années 1980, les deux complices s’amusent aussi bien à réunir la collection complète des albums du Père Castor qu’à bosser, ensemble, sur une BD pour les jeunes lecteurs de Je Bouquine. Avec Avril aux dessins et Kuntzel au scénario. Le résultat : des personnages qui portent des noms de fromages et évoluent dans une rédaction de magazine… Il y aura aussi la rencontre avec le scénariste et dessinateur Yves Chaland : « Le meilleur des profs », dit François Avril. Avril dont les dessins vont se retrouver, très vite, dans la presse, la pub et l’édition. Une vie d’« artiste » ? Le mot le fait sourire. Une vie d’indépendant avant tout, sans ticket resto, ni RTT. Où il se souvient avoir refusé un boulot parce que son interlocuteur s’adressait à lui avec mépris. Où il reconnaît ne pas très bien savoir ce qui se cache derrière le mot « retraite » et encore moins derrière... « points de retraite ».
Routes et chemins se croisent comme autant de « choix de vie »
« Aujourd'hui, je suis dessinateur, mais je fais aussi de la peinture. C’est une question de format. Quand ça ne tient plus sur la feuille, il faut passer à la toile. » Des dessins et peintures vidés de personnages, « mais où routes et chemins se croisent comme autant de choix de vie », souligne François Avril. Reste à prendre la bonne direction. Pour l’heure, c’est celle de la Bretagne, où le dessinateur a posé ses bagages. Où il a envie aussi de représenter les lieux tels qu’ils sont et ne plus les recomposer à partir des photos qu’il prend. Une façon de se confronter davantage à la réalité. Un nouvel exercice pour cet « artiste » qui, à son tour, a trouvé « son endroit à lui », face à la mer.
Bretagne : du 18 juin au 28 août 2021 à la galerie Huberty & Breyne, à Paris.
François Avril est aussi ICI.