Il aime la France. Il la parcourt à vélo. Régulièrement. Depuis longtemps. Et plus ça grimpe, plus il est motivé : « J’ai fait toutes les Pyrénées, les Alpes, rallié Chamonix à Saint-Tropez... » Pourtant, son pays, c’est l’Italie. Gianni Gremese (c’est le plus grand sur les photos) vit à Rome. Sa ville. Celle où il a grandi, étudié le droit, pris la suite de son père libraire, puis créé sa maison d’édition, baptisée Gremese. « Je vendais des livres, j’ai voulu en publier. » Il a commencé en 1974 avec des ouvrages « grand public » sur le cinéma, la danse, la musique, le théâtre... Peu à peu, il s’est ouvert à la littérature contemporaine. Puis, cet amoureux du quartier latin à Paris a multiplié les traductions en langue française des livres qu’il éditait. Indépendant, libre, curieux de tout, il se voit comme « un artisan ». Discret, dans la rue il passe incognito. Un anonymat qu'il cultive avec délice. L’important, à ses yeux, c’est le « faire », qu’il concrétise par une centaine de titres édités chaque année.
Moins c’est « vu ailleurs », plus il est prêt à mouiller le maillot…
Son attirance pour la France l’a poussé à fonder les éditions de Grenelle. C’était au début des années 2000. Cette maison, installée à Paris, publie des ouvrages italiens traduits en français, mais aussi des titres originaux sur les arts. C’est le cas du Cinéma de Guillaume Apollinaire, pour la publication duquel les éditions de Grenelle ont décroché une subvention du Centre national du livre. Et pour cause : sorti, en 2018, pour le centenaire de la mort du poète, cet ouvrage évoque les liens étroits qui l’unissaient au 7e art. Fan des salles obscures, Apollinaire a en effet écrit plusieurs scénarios, méconnus, tous reproduits en fac-similés dans ce livre écrit par l’universitaire Carole Aurouet. L’inédit, le rare, l’inattendu inspirent Gianni Gremese. Moins c’est « vu ailleurs », plus il est prêt à mouiller le maillot pour défendre une idée, un projet, un manuscrit. La collection Narratori francesi contemporanei (Narrateurs français contemporains – NFC), qu’il a créée en 2012 au sein de Gremese, lui permet par exemple de « faire découvrir aux Italiens, le meilleur de la littérature française contemporaine », explique-t-il. A savoir J.M.G. Le Clézio, Marie Nimier, Nelly Alard, Dany Laferrière ou encore Philippe Vilain. C’est à ce-dernier, d’ailleurs, que l’éditeur romain a récemment confié la direction de la NFC. Un ancrage de plus avec la France et sa culture.
Hommage à Pasolini pour le centenaire de sa naissance en 2022
Il faut plus qu’une crise sanitaire pour stopper l’élan du grimpeur. Même si les temps sont difficiles, Gianni Gremese se projette. Son cap : 2022. Et en particulier le Salon du livre parisien. C’est là qu’il veut réunir dix-huit écrivains français et douze italiens. Car aux dix-huit premiers, il a demandé un texte sur leur vision de l’Italie et aux douze autres, leur regard sur la France. Les deux exercices font l’objet de deux ouvrages, traduits dans les deux langues, à paraître cette année. « J’ai envie de réunir ces trente écrivains dans un même lieu, les regrouper, les faire se rencontrer. » Car il y a de la générosité aussi, chez cet éditeur qui déteste la lourdeur administrative des « grosses machines ». Enfin, l’autre de ses défis franco-italiens du moment, c’est un livre hommage à Pasolini, à l’occasion du centenaire de sa naissance, en mars 2022. Gianni Gremese en a déjà confié la préface à l’écrivain Philippe Vilain et il souhaite aborder dans cette « anthologie », comme il dit, aussi bien le Pasolini cinéaste que le Pasolini poète, écrivain, scénariste, peintre… Son rêve : « Organiser un événement à Paris pour la sortie de cet ouvrage, au Salon du livre ou à la Cinémathèque. »