Si on la cherche, elle est dans son garage. Un box fermé, immaculé, planqué dans le jardin de sa maison à Fontenay-sous-Bois. C’est là qu’Helena Amourdedieu travaille désormais. Avec ses deux machines Singer, livrées juste avant le premier confinement. Ce qui lui a permis, durant le printemps 2020, de s’entraîner à manipuler fils et ciseaux, mais aussi à couper, mesurer, tracer, épingler, agrafer, coudre… « Je suis tapissière, dit-elle. C’est différent de tapissier. Une tapissière réalise toutes les pièces textiles pour habiller une pièce. Le tapissier ne fait que les assises. » Un nouveau métier et une nouvelle vie pour cette Anglaise arrivée sur le continent en 1997. Elle suivait alors celui qui allait devenir son mari : « J’étais venue avec une seule valise. Je pensais ne rester que pour les vacances d’été… »
« Je ne parlais pas un mot de français ! »
Elle a grandi au sud-est de Londres. Issue d’une famille d’artisans – avec une grand-mère couturière et un père fondeur -, la jeune Helena s’intéresse à tout. Pas d’a priori. L’esprit est libre, ouvert. Journalisme et communication la tentent. Elle s’inscrit en « sciences politiques et médias » à l’université, à Londres. Une fois diplômée, elle débarque à Paris, sans penser s’y installer. « Tout est allé très vite, se souvient-elle. Peu de temps après mon arrivée, j’ai trouvé un petit job de serveuse dans un pub de la rue d’Artois. Je ne parlais pas un mot de français ! » Puis, elle décroche une place d’assistante de rédaction chez Bloomberg TV. « Je n’y suis pas restée longtemps. Je voulais travailler dans un univers plus créatif. » Alors ce sera dans une boutique de déco ou encore une maison d’édition, jusqu’à créer sa propre agence de communication en 2007. Là, ses clients sont principalement liés à l’art de vivre et l’architecture d’intérieur. Mais, au bout de douze ans, Helena Amourdedieu a envie d’autre chose. Bouger, changer, bousculer ses habitudes et surtout travailler avec ses mains pour devenir tapissière. Sauf que ça ne s’improvise pas. Des cours du soir ? Elle y pense. Elle y passe et s’aperçoit qu’il faut s’investir davantage « si on veut apprendre sérieusement ». En 2019, elle plaque tout, ferme son agence de com’ et démarre un CAP à La Fabrique, l’école française des métiers de la mode et de la décoration, à Paris.
L’association « Covid + Brexit » ne lui facilite pas la tâche…
« C’était difficile. » C’est ainsi qu’elle résume ses neuf mois de formation en accéléré. Normalement, c’est le double de temps. Entre nouveau vocabulaire, barrière de la langue, techniques et gestes à maîtriser, Helena Amourdedieu a ramé, trimé, mais elle était motivée. Le pire, pour elle : « Le calcul des métrages. » Car elle est plutôt fâchée avec les chiffres. Mais pour réussir des rideaux, il faut passer par calculs et calculette. Pas de place pour l'approximation. Ses stages, elle les a faits chez le tapissier-décorateur Jean-Daniel Savoye, à Vincennes, et au Mobilier national, à Paris. Depuis, elle a eu ses premières commandes. Coussins, poufs, banquettes, stores, têtes de lit, rideaux… elle sait tout faire. Avec un certain chic pour dénicher des créateurs de tissus en Angleterre, dont les réalisations sont bien souvent inconnues en France. L’idée : éviter le copier-coller, miser sur la singularité, l’originalité, voire les pièces uniques. Même si l’association « Covid + Brexit » ne lui facilite pas la tâche, ces temps-ci. Pour l’heure, Instagram lui sert de vitrine. Mais elle rêve d’un atelier-boutique à Paris. Surtout que les projets se multiplient. A l’instar de la collaboration qu’elle est en train de mettre en place avec son père, pour concevoir notamment tringles et rideaux. En attendant, elle rempile pour deux semaines au Mobilier national. Une marque de confiance de la part des manufactures des Gobelins. Et des débuts prometteurs pour la nouvelle manuelle.
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