Elle est pile à l’heure. Pas maquillée, en jeans, baskets, emmitouflée dans un anorak orangé. Le rendez-vous a lieu dans le studio d’enregistrement de l’hôtel French Theory, à Paris. Entre Sénat et Panthéon. Un quartier que Bérangère Mc Neese connaît : ses études de journalisme l’ont conduite jusqu’à la Sorbonne. Même si c’est à l’université de Bruxelles qu’elle les a terminées. Bruxelles, où elle est née. Où elle a grandi. Avec une mère « psy » et un père américain, musicien : « Il est bassiste et, quand j’étais petite, on passait chaque été dans le Kentucky. » De son enfance, elle se souvient aussi de ses cours de théâtre. Le premier ? « J’avais 7 ans. » Précoce, la gosse. « J’ai toujours voulu être actrice », dit-elle en buvant son café, entourée par les platines, guitares et vinyles du studio. Avant même d’intégrer le collège, elle est déjà repérée pour faire des pubs et autres apparitions dans des courts métrages d’étudiants en cinéma. Si bien qu’à la fin de son lycée, elle veut partir. Quitter Bruxelles, « pour Paris ou Los Angeles ». Ce sera Paris, en autocar Eurolines.
Barmaid, la nuit, à Bruxelles et Paris
A 18 ans, Bérangère Mc Neese cumule cours de théâtre, cursus universitaire et castings. Elle prend un agent. Il lui ouvre quelques portes pour jouer dans des comédies. C'est comme ça qu’elle a été la fille de Dany Boon, dans Volcan... Elle aime faire rire. Mais elle ne veut pas être cantonnée à ça. « Surtout ne pas s’enfermer », dit-elle. Alors elle commence à noircir des pages, poser des idées, écrire, raconter. L’une de ses sources d’inspiration : ses jobs de barmaid, la nuit, à Bruxelles et Paris. Une école de la vie, où elle a croisé « de fortes personnalités et des femmes de caractère ». L’actrice se fait scénariste, puis réalisatrice. « Passer devant la caméra n’empêche pas d’être derrière. L’un nourrit l’autre », explique cette fan des films de Maïwenn, Cassavetes, Pialat, Andrea Arnold... Son premier court métrage, Le Sommeil des Amazones, est autoproduit, bouclé « à l’arrache ». Il sort en 2015 et décroche deux « prix de la critique » dans deux festivals bruxellois. Rebelote deux ans plus tard, avec Les Corps purs. Ce deuxième « court » remporte les prix Arte et RTBF au Festival international du film francophone de Namur. Le travail de Bérangère Mc Neese ne laisse pas indifférent. Loin de là. Surtout qu’elle continue de jouer pour le petit et le grand écran. Dans des séries, films, téléfilms. Dans des rôles parfois récurrents. Elle n’arrête pas. Comme s’il y avait une urgence à faire, à dire, à montrer.
« Une fin d’été ensoleillée, comme une fin d’enfance... »
Lorsqu’elle prépare son troisième court métrage, Matriochkas, une société de production (Punchline Cinéma) l’approche. Fini de s’autofinancer. La gamine qui rêvait de 7ème art entre soudain dans la cour des grands. Avec un sujet difficile : la relation compliquée entre une mère et sa fille de 16 ans, qui vient de tomber enceinte… Tournage express en huit jours, dans le Sud de la France. « Je voulais une fin d’été ensoleillée, comme une fin d’enfance. Et pour contraster avec cet état, j’ai choisi de camper l’action dans une zone industrielle, glaciale, désincarnée. » Quant au casting, il est bluffant. Avec Victoire du Bois dans la peau d’une mère qui vivote, passe d’une conquête d’un soir à une autre… Et un tout premier rôle pour la jeune Héloïse Volle, qui interprète Anna, l’ado adulte avant l’heure. « J’ai vu des dizaines de jeunes filles pour ce rôle. Le jour du casting, Héloïse est venue de Sauternes, accompagnée par son grand frère : ça m'a touchée. Elle a fait partie des dernières personnes auditionnées et j'ai su très vite que nous allions travailler ensemble », raconte Bérangère Mc Neese. Depuis, Héloïse Volle a un agent et son nom sera bientôt à l’affiche d’une série télé. Car Matriochkas, sorti en 2019 et diffusé sur Arte dans la foulée, fait beaucoup parler. Normal : il croule sous les récompenses en France, en Belgique et jusqu’à Palm Springs. A Bruxelles, il a obtenu le Magritte 2020 du meilleur court métrage de fiction et, en ce début 2021, il est dans la course aux Césars et même dans celle aux Oscars. Mais sa réalisatrice n’a pas la grosse tête pour autant. Elle n’en a pas le temps. Elle joue, elle tourne, pour la télé, le ciné. « Le jeu est plus confortable que la réalisation, reconnait-elle. La réalisation, c’est un combat éreintant. On est comme le capitaine d’un bateau : il faut composer avec les autres, sans laisser de place à l’improvisation. » Pas toujours simple cette quête d’équilibre. Ce qui ne l’empêche pas, à 31 ans, d’amorcer l’écriture d’un premier long métrage.
Pour voir Matriochkas, c’est ICI jusqu’au 31 mars 2021.