Il se dit « architecte contrarié ». Elle, son truc, c’est la déco. Pourtant ils ont fait une école de commerce. Pas ensemble, ni la même. Lui, sa spécialité, c’était le marketing, « avec un mémoire sur les enjeux du développement durable ». Elle, son cursus ciblait le luxe, ce qui l’a menée à travailler dans le secteur de la mode. Lorsque Benjamin des Lyons et Laure Mutti des Lyons se sont rencontrés et unis, deux temps forts ont changé leur vie : l’obtention de leur permis de conduire et, en 2019, un voyage d’une dizaine de jours dans les Pouilles. Car sans voiture, difficile de se déplacer dans cette partie encore rurale du Sud de l’Italie. Une fois sur place, ils ont un objectif : trouver une maison pour s’y installer, la transformer en boutique-hôtel, aménager un atelier pour recevoir artistes et artisans locaux, exporter ensuite les objets et pièces de mobilier créés in situ. A l’issue de leur périple, ils dénichent une masseria du XVIe siècle. Bien sûr, il faut prévoir une vague de travaux. Ils doivent se décider vite. Mais un coup de téléphone vient parasiter toute amorce de transaction immobilière en Italie : ils ont soudain l’occasion de reprendre la galerie familiale de la rue de Beaune, à Paris. Une galerie que le père de Benjamin des Lyons a tenu de 1986 à 2000, en se spécialisant dans le bronze, avant de la louer jusqu’en 2019. Le couple pèse le pour, le contre. Puis, il renonce finalement à la masseria, aux oliviers et à l’Adriatique, pour leur préférer une « boutique-showroom » de 100 m2, entre bords de Seine et carrefour Bac-Saint-Germain. Boutique, car tout est à vendre. Showroom, car le duo fouille les Pouilles pour en rapporter le meilleur du savoir-faire de maîtres artisans, artistes, designers, créateurs.
Chaque objet est une curiosité
Ils privilégient le « fait à la main » et les pièces uniques. Ils proposent aussi la personnalisation d’un luminaire, d’un vase, d’une vaisselle… L’idée : éviter le copié-collé d’un intérieur à un autre. Rien de pire que de confondre le salon de l’un avec le bureau de l’autre. Laure Mutti des Lyons assure cette fonction de conseil. Elle accompagne, guide, suggère. Parce que chaque objet est une curiosité : des céramiques d’Enza Fasano à celles de Giorgio di Palma, en passant par les appliques de Francesco Fasano ou les centres de table du designer Gio Ponti pour la maison Sambonet. A cela s’ajoute des créations issues de l’atelier de tissage artisanal « Amando e Cantando », soutenu par la Fondation Le Costantine. Celles-ci reprennent des motifs traditionnels pour en faire des tapis, plaids, coussins, en lin, soie, coton ou cachemire Loro Piana. Il faut flâner au rez-de-chaussée. Puis, oser descendre dans « la réserve », pour voir notamment l’accrochage des cornets de glaces écrasés et autres ballons colorés de Giorgio di Palma.
90 000 kilomètres, en deux ans, entre Paris, Bari et Lecce
Petite-fille d’un sculpteur italien, Laure Mutti des Lyons est sans cesse en quête de talents. « Je veille », dit-elle. Jusqu’à miser sur de jeunes diplômés, tout juste sortis d’écoles d’art. L’important : c’est leur attachement au savoir transmis, au savoir-faire acquis et à l’art de vivre propre au Sud-Est de l’Italie. Une région où le couple des Lyons espère bientôt pouvoir ouvrir son boutique-hôtel-atelier. « Nous n’avons pas renoncé », confie Benjamin des Lyons, qui depuis deux ans a parcouru quelque 90 000 kilomètres entre Paris, Bari et Lecce. En attendant, ils ont prévu d’ouvrir une deuxième galerie à Cannes en 2021, où ils vont également poser leurs bagages. Ils souhaitent ainsi se rapprocher de la frontière italienne, mais surtout débuter une formation à la sculpture et au travail du bronze, dans un atelier cannois. « C’est une façon de limiter l’usage de l’ordinateur et de se reconnecter à la matière, la nature, l’humain », explique Benjamin des Lyons. Ses quatre mois passés dans un orphelinat au Cambodge, en marge de ses études de marketing, le lui avaient déjà fait comprendre : son avenir n'est pas lié qu’à des chiffres dans des tableaux Excel.
Galerie des Lyons : 9 rue de Beaune, Paris 7e – LB@galerie-des-lyons.fr