Lorsqu’on sonne à la porte de sa galerie, c’est elle qui vient ouvrir. Comme une amie qui reçoit. D’ailleurs, le café est prêt. Les verres d’eau aussi. C’est le parti pris d’Amélie du Chalard, dans sa « Maison d’art » : donner des airs d’appartement parisien au duplex du IXe arrondissement, où elle expose et met en scène les œuvres contemporaines qu’elle sélectionne auprès de plus d’une centaine d’artistes et de designers. Elle a l’œil pour repérer un détail, du goût aussi pour détecter le talent de l’un ou l’audace de l’autre. Normal : sa mère sculpte, son père collectionne et elle a chopé, « très tôt », le virus de l’accumulation des beaux objets.
Plateau de Lalanne, duo de scarabées et bronzes de Messagier
C’est la première fois qu’elle travaille avec une maison de vente. Christie’s l’a sollicitée au début du confinement. D’abord pour « réfléchir », puis assez vite pour intervenir sur la vente d’arts décoratifs Inspired by Nature. Une vente en ligne, prévue jusqu’au 18 juin, dont les différents lots sont exposés dans les salons de Christie’s, avenue Matignon. Et « la touche du Chalard » dans tout ça ? « J’ai sélectionné et mis en scène dix pièces, qui pourraient s’apparenter à des souvenirs de voyage. » Parmi celles-ci, un plateau de Claude Lalanne, dont la patine et les motifs de feuilles de bambou évoquent « l’exotisme » ; un duo de scarabées en cornaline daté aux environs des IVe ou IIIe siècles avant Jésus-Christ, qu’elle aurait pu rapporter d’une échappée en Toscane ; ou encore des bronzes de Jean Messagier qu’elle compare à « des objets de culte d’une civilisation lointaine ».
Sa principale prise de risque :
« avoir changé de statut »
Recevoir sur rendez-vous, ça change tout. Quand Amélie du Chalard rencontre un collectionneur dans sa galerie, elle prépare une scénographie inspirée par les préférences de ce visiteur. Il aime le bleu, il en aura. Il affectionne les sculptures, il en trouvera. Il cherche des tapisseries, celles-ci vont recouvrir les murs… Même sur mesure, sans démesure, dans les déjeuners et dîners, en petits comités, qu’elle organise au milieu des œuvres. Un mode opératoire qui a d’ailleurs séduit de nombreux hôtels et restaurants. Le groupe Evok, les Maisons Pariente, le Scribe à Paris ou encore le Park Hyatt de Tokyo l’ont sollicitée pour quelle vienne, intervienne, pose et dépose ses trouvailles, ses choix, ses curiosités. Quand on lui parle de prise de risque, elle répond que sa principale a été d’avoir « changé de statut ». Autrement dit : avoir quitté la banque Rothschild en 2015, où elle accompagnait des patrons de PME, pour devenir galeriste, d’abord dans son propre appartement, puis dès 2017 au 10 rue Clauzel. Pourquoi avoir tourné le dos à la finance ? « Pas toujours simple, dans un tel univers, de travailler dans la même équipe que celle de son mari. » Elle aurait pu simplement « changer de banque », comme elle dit. Et ce d’autant qu’elle aimait son métier d’avant. Mais prendre le pouls des PME lui a donné envie d’entreprendre à son tour, pour dépoussiérer l’image, l’identité et l’entité même de la galerie d’art.
Un appartement où tout est à vendre, du sol au plafond…
Née à Paris, ancienne de Franklin, puis de l’ESCP, Amélie du Chalard s’est finalement écartée d’une voie toute tracée. Sans renier son passé auprès des financiers : « Sans cette expérience, je n’en serais pas là. » C’est-à-dire à la tête d’une équipe d’une douzaine de personnes. Quant à sa dernière trouvaille, elle s’appelle Ambroise, « en hommage au marchand d’art Ambroise Vollard ». Principe du concept : « Proposer de voyager différemment en posant ses bagages dans un grand appartement, avec services hôteliers, où tout est à vendre, du sol au plafond, du mobilier aux œuvres d’art. » Ambroise se décline déjà en deux adresses à Paris, rue de Martignac et rue de Montmorency. L’objectif : « En ouvrir une dizaine en Europe. »
Et aussi : Amélie Maison d'art