Confessions de confinés # 13
Ils sont écrivains, musiciens, designers ou photographes. Ces « enfermés bien inspirés » parlent de leur confinement. Confessions en 3 questions, illustrées en 1 image.
Philippe Lafitte, écrivain : « La peur ne construit rien »
Toujours inspiré par temps de confinement, à Bruxelles ?
P.L. : Scoop : ni plus ni moins que d’habitude. Le temps du confinement n’est pas franchement inhabituel pour les écrivains, ils sont déjà abonnés à une sorte d’isolement intérieur volontaire. Un état qu’ils recherchent en temps « normal », dans le quotidien agité de leur struggle for life, une plage de calme et de concentration, pourquoi s’en plaindre exagérément ? Bien sûr, il y a une tension sous-jacente, liée à l’inquiétude pour nos proches éloignés ou malades. A des questions insolubles face à ce virus imprévisible. La litanie des médias en boucle, aussi : j’écoute deux flash radio, un le matin, un le soir, et basta ! La peur ne construit rien. La distanciation imposée est aussi un bon vecteur d’observation, la file pour les courses un moment d’humanité où se dévoile toute la palette, ambiguë, des comportements : toujours pas compris l’énigme de la ruée sur le papier-toilettes, par exemple. Tout ça ne change rien de fondamental au quotidien précaire des auteurs : trouver sa pitance coûte que coûte, des sources de revenus souvent minimales, s’occuper de ses proches, des projets en cours ou en attente, sans autre aide que sa propre passion et sa volonté d’avancer. Il est clair que les artistes en général vont souffrir durablement des conséquences du Covid 19, ils sauront faire face, ils en ont l’habitude, sans que ce soit une fatalité. L’écriture en soi n’est pas impactée, même par une pandémie, c’est le système où nous vivons qui va l’être. Une chose totalement subjective me manque : m’immerger dans l’eau d’une piscine, quand il y a encore peu de monde. Faire une longueur de bassin sous la surface, en apnée, lentement. Retrouver la sensation de l’eau qui glisse sur la peau, des muscles qui se tendent dans l’effort. Les poumons qui explosent à l’arrivée dans une gerbe d’oxygène.
La dernière image postée sur les réseaux dits « sociaux » ?
P.L. : Il y en a beaucoup, je poste souvent des photos, l’influence de mon amoureuse photographe, sans doute. Elles sont faites au smartphone, et j’essaie de saisir un instant de confinement, vu par la fenêtre, par exemple. Ce temps qui passe, dilaté, exacerbé par l’épidémie. Quelques citations d’auteur aussi, plus ou moins pertinentes avec l’actualité. Une image récente : les couvertures de romans célèbres détournées par l’artiste plasticienne Clémentine Mélois. Drôle, fin et très bien vu.
La priorité, une fois déconfiné ?
P.L. : Retourner au bord de la mer qui, en Belgique, n’est jamais très loin d’où l’on vient. M’imprégner à nouveau du vent, de la lumière et de l’atmosphère si particulière de la mer du Nord, que j’ai redécouvert avec la femme que j’aime. Marcher main dans la main, pieds nus dans le sable. Chabadabada à Knokke-le- Zoute. Puis revoir très vite, avec un plaisir intensifié, mes enfants et mes amis entre Paris et Bruxelles.