Paris, ville en vie… même à l’heure du Covid-19 / chronique n°3
19 mars 2020, 11 heures. Rideau de fer. Pourtant le rendez-vous a été pris. Calé. Confirmé. Personne dans la banque. Seul le sas peuplé de distributeurs de billets est accessible. Le rideau de fer se soulève enfin. Un peu. Pas trop quand même. Une tête apparaît. « Vous deviez voir quelqu’un ? » Oui. Pour accéder aux comptes d’un mourant, par temps de confinement. « Entrez… » Se courber pour passer sous le rideau de fer à moitié remonté. Longs couloirs de l’agence bancaire, déserts. Portes des bureaux fermées. Ils sont tous calfeutrés. Personne près de la machine à café.
Nouveau niveau dans un jeu vidéo
« Vous avez une procuration ? » Non. Quelqu’un a déjà essayé de faire signer ce type de paperasse à un mourant, somnolent, shooté à la morphine, qui ne tient plus une cuillère à café dans sa main ? Pas évident… « Alors tous ses comptes sont bloqués. On ne peut rien faire. » Nouvelle sortie de piste. Nouvelle gamelle. Nouveau niveau dans un jeu vidéo. Un cran au-dessus. Le parcours du combattant devient « prépa commando »… Et ça se « débloque » comment, des « comptes bloqués » ? Tout un tas de « p’tits papiers » à remplir, à envoyer. Attendre « 45 jours environ, mais avec le Covid-19, ça peut être plus… » Puis, ce sera la case « notaire ». On en prend pour trois mois, au moins. Et en attendant, on fait comment ?... On fait.
L’agence a été contaminée…
La bonde du lavabo restée coincée devient soudain accessoire. Les photos de prouesses culinaires ou autres tentatives de jardinage, postées sur Instagram, pour passer le temps du confinement, désolent par leur niaiserie. Plus envie de rire. A la violence d’une mort annoncée, sans revoir ni honorer, et des devis des pompes funèbres, qui encombrent la boîte mails, s’ajoute la lourdeur administrative. « Vous avez d’autres questions ?...Car vous êtes la dernière personne que nous recevons. L’agence a été contaminée. La moitié du personnel est déjà en arrêt maladie… » Peut-être chopé le virus en prime ! Le cadeau Bonux de la banque… Comment ressortira-t-on de tout ça ? Essoré ? Rincé ? Vidé ? Nostalgique du passé ? En attendant, faut puiser dans le présent des ressources pour tenir. Car va falloir tenir. Je vais tenir : parole de scout.