Episode 9 de la « correspondance » entre 1 Epok formidable et Corridor Eléphant. C’est quoi déjà « l’Eléphant » ? Une maison d’édition et une revue (Niepcebook), qui font la part belle à « la photographie émergente ». Entre eux et nous, c’est une « correspondance » de vues et de points de vue. Avec des choix engagés et engageants... Dans ce nouvel épisode : le portrait d'un village.
C’est quoi un village en France en 2020 ? Ça ressemble à quoi ? Y trouve-t-on toujours au moins un bistrot ? Une épicerie ? Une école ? L’enseigne verte et clignotante d’une pharmacie ? La plaque vissée d’un médecin ? Une boîte aux lettres ? Un distributeur de billets ?... Parce que tous les villages ne passent pas à la télé et ne sont pas « les préférés des Français », il est parfois de bon ton de passer et dépasser le périph’ parisien pour aller prendre la température là où d’aucuns parlent de « zone blanche » ou autres « déserts médicaux ». Là où parfois la vie relève de la survie, parce que tout est loin, parce que « les jeunes partent », parce que le boulanger a fermé face à la puissance de l’« hyper » d’à côté…
Murs décrépis, chaise abandonnée, portes fermées…
La photographe Françoise Lerusse a eu cette curiosité. Elle a flâné, traîné, déambulé dans un village français, qu’elle ne nomme pas, mais qu’elle « déplie », comme on le faisait avec une carte routière avant l’invention de l’appli. Dans les plis du vieux village : c’est le titre du livre qu’elle vient de publier chez Corridor Eléphant. Un ouvrage qu’elle a souhaité en noir et blanc pour souligner les contrastes, accentuer les lumières, faire ressortir les matières. Ses images brossent le portrait d’un village à la fois habité et déserté, joyeux et tristounet, vivant et mort… Vivant lorsqu’un chat, un scooter ou un passant traversent la photo. Survivant lorsqu’elle immortalise des murs décrépis – « griffés comme autant de rides », écrit la photographe -, une chaise abandonnée, des portes fermées. Et puis il y a ce linge qui sèche, ces fils électriques, ces vieilles pierres, ces reflets, ces ombres plus ou moins furtives : un présent qui se mêle aux traces du passé. Avec des silhouettes qui ne font que passer quand le vieux village, lui, « reste éternel ». Contraste encore. Et paradoxe aussi entre une campagne qui attire de plus en plus de citadins, dit-on, et 50% des maires de petites communes qui ne souhaitent pas se représenter aux prochaines municipales, affirment de récents sondages.