J’ai eu l’opportunité d’enquêter. Vous savez, ce travail de journaliste qui consiste à fouiner, tâtonner, chercher, aller vers… Un mode opératoire dans lequel Google ne sert que d’annuaire, les (bons) attachés de presse sont de précieux relais et les rencontres donnent le ton de tout. J’ai donc eu l’opportunité d’enquêter, pendant tout l’automne 2019, sur… les femmes en cuisine. Et pas seulement les chefs – volontairement, je ne féminise pas ce mot, parce que les femmes chefs ne le font pas systématiquement : certaines, même, trouvent ça absurde… Alors je maintiens l’orthographe d’origine. D’ailleurs, dans le Larousse, le mot est toujours du genre « masculin ». Alors, oui, j’ai rencontré des femmes chefs, mais aussi des étudiantes, des cuisinières, celles auxquelles on tend rarement un micro, celles qui ne sortent pas en salle, celles qui ne passent pas à la télé, celles qui se demandent si elles vont tenir le coup, celles qui ont de l’audace à revendre… Et celle-ci, qui m’a fait sourire en expliquant que la meilleure chose qui soit arrivée pour sa carrière en cuisine, « c’est d’avoir divorcé ».
Portraits, récits de vie, souvenirs et anecdotes…
C’est un journal professionnel, L’Hôtellerie Restauration, qui publie la totalité du sujet. Un travail sous forme de série, en quatre épisodes, dont la publication commence aujourd’hui. Ça débute avec les apprenties et leur galère qui démarre dans les vestiaires, car ces-derniers sont mixtes dans la majorité des cas. Puis, au fil des confidences et confessions, on écoute la façon dont les femmes se font – ou pas – une place derrière les fourneaux, ouvrent – ou pas – leur propre restaurant. Bref, elles racontent leur parcours, leur quotidien, leurs attentes en 2020, sans oublier la problématique de la maternité et la façon dont il faut marquer les esprits pour se faire remarquer au sein d’une brigade … Portraits, récits de vie, souvenirs et anecdotes rythment les différents épisodes. Une série à découvrir comme on regarderait un instantané, pris sur le vif, à un moment où les métiers de la cuisine font parler d’eux aussi bien dans des émissions de divertissement à la télé que dans la rubrique « Société » des journaux.
Du verbatim en guise de « teasing » :
Orlane Colomina se souvient de son premier stage en classe de 2nde au lycée Jacques-Cœur, à Bourges : « J’avais 15 ans. J’étais en cuisine dans un restaurant, en Savoie. Loin de chez moi. D’emblée, le second m’a dit qu’il ne voulait pas de filles aux fourneaux (…) Dès le deuxième jour, il m’a demandé de venir à 8 heures et j’ai dû vider 3 kilos de poissons… »
Stéphanie Le Quellec, chef du restaurant La Scène, à Paris 8e : « En cuisine, il faut avoir une personnalité, une force de caractère et une puissance de travail. »
Camille Guei, cuisinière au restaurant Montcalm, à Paris 18e (en photo d'ouverture) : « J’ai vu des femmes chefs plus dures que des hommes. »
Marie Sauce, à l’origine du concours gastronomique « 100% féminin », La Cuillère d’Or : « Nous ne sommes pas les Femen de la gastronomie ! »
Valérie Radou, chef en résidence chez Ruinart, à Reims : « Mon conjoint m’a encouragée pour persévérer dans mon travail. »
Caroline Dumas, psychologue : « Quand elles sont en poste en cuisine, elles se mettent au diapason des hommes, sinon elles ne peuvent pas suivre. Elles sont en résistance au quotidien. »
Enquête à suivre dans les colonnes de L'Hôtellerie Restauration .