On ne s’entend plus
Un numéro consacré au silence : quelle drôle d’idée à l’heure des chaînes d’info en continu, des enceintes XXS pour smartphones, des musiques d’ascenseurs jusqu’à celles des supermarchés. Comme s’il fallait à tout prix combler le vide. Comme si le mutisme faisait peur. Alors que, souvent, on se passerait bien de ceux qui parlent pour ne pas dire grand-chose ou font beaucoup de bruit pour rien. Quant au cri strident du « perco », auquel s’ajoute le tintement des tasses et soucoupes qu’on empile brutalement à leur sortie du lave-vaisselle, ça couperait presque l’envie, parfois, de boire son café à un comptoir. « Discours décousu / tohu-bohu / on ne s’entend plus », a chanté Françoise Hardy en 1982 dans Coupure de courant. Une double signification des mots pour parler, ici, d’un duo qui n’est plus sur la même longueur d’onde… Dans ce numéro 3 d’1 Epok, pas de fausses notes, ni de dialogue de sourds. Mais une quête de quiétude. Un peu comme si, soudain, on appuyait sur la touche « pause ». Mais pas pour se la jouer « slow life », comme on dit pour vanter le bienfait d’un stage de yoga dans une finca « déco » à Minorque. Mais plutôt pour prendre du recul, à moins que ce ne soit un nouvel élan. Du recul avec la poésie des photos de Jean Larivière, la sérénité propre à la galerie Jeanne Bucher Jaeger, la beauté d’un potager à 50 kilomètres de Bruxelles... Un élan avec des « gamins » d’une vingtaine d’années, croisés à la HEAR – la bien nommée, si on parle anglais –, qui attendent tout de demain. Car si le brouhaha est partout, il suffit d’un pas de côté pour s’en échapper, sans pour autant se déconnecter de tout. A condition d’oser les chemins de traverse, ignorer les moutons de Panurge, ne pas céder aux modes. Ce que l’équipe d’1 Epok a fait, une fois de plus, dans ce nouveau numéro.
Anne Eveillard