Elle aime les mots oubliés. Comme la « chantepleure », l’ancêtre de l’arrosoir. Isabelle Daëron l’a redessinée et mise au goût du jour, le temps de la conception d’un bassin filtrant destiné à utiliser l’eau non potable dans les jardins collectifs. A l’occasion de la Paris Design Week de cette rentrée, c’est le mot « friselis » qu’elle a sorti des oubliettes. Ce synonyme de « frémissement » l’a inspirée pour réaliser une scénographie, dans le showroom parisien de la maison Balsan, voisin du Centre Pompidou. L’idée : illustrer la sensibilité partagée entre le créateur de moquettes et la designer pour la protection de l’environnement. De quelle façon ? En racontant l’histoire du fil polyamide recyclé, issu de filets de pêche usagés, qui sert à concevoir une grande partie des collections Balsan. Née à Plœmeur, dans le Morbihan, Isabelle Daëron s’est sentie plutôt à l’aise pour mener à bien l’exercice : la mer, elle a grandi en face. Marées, embruns, vents, houle… elle connaît. Si bien que pour sa scéno, elle a reproduit sur du papier blanc, accroché au mur, la surface d’un océan où elle a incarné le friselis, léger bruissement à la surface de l’eau, par une multitude de traits courts au feutre de couleurs. Un motif vivant, stimulant, élégant, conçu ensuite grâce à la Technologie MBrodery de Balsan, qui permet d’utiliser jusqu’à quatre fils de couleurs différents. A cela s’ajoute des effets de hauteurs et d’épaisseurs de la moquette, qui lui donnent volume et relief. La designer s’est même amusée à créer quelques vagues et suspendre, tels des mobiles, une dizaine de chantepleures. Une fantaisie tout en poésie.
Electron libre aux idées larges
« J’ai toujours aimé dessiner », confie Isabelle Daëron. Alors elle a enchaîné Ecole de design à Nantes, Esad à Reims, Ensci à Paris, dont elle est sortie diplômée en 2009. « D’emblée, je voulais être indépendante et, donc, avoir ma propre structure », explique cet électron libre aux idées larges. Ce qu’elle fait en créant le Studio Idaë et le prix Audi talents awards, qu’elle décroche en 2015, lui donne un vrai coup de pouce pour développer ses projets. A 36 ans, elle a déjà exposé au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, dans le cadre de l’International Craft design exhibition à Taipei ou encore lors de la Helsinki Design Week. Ses domaines de prédilection : « L’espace public et la scénographie. » Avec son équipe, elle vient de réaliser la vitrine de la cristallerie Saint-Louis, rue Royale à Paris, elle a finalisé Aéro-Seine, un dispositif de rafraichissement dans le 20e arrondissement pour la Ville de Paris, et elle s’apprête à concevoir une série de vitrines pour la maison Hermès dans plusieurs aéroports français et italiens. Quant à sa scéno pour Balsan, elle est à voir jusqu’au 8 octobre*.
* 99 rue de la Verrerie, Paris 4e