Mort en février 2013, Daniel Darc réapparait cet été sur des affiches et dans quelques salles de ciné, le temps d’un film : Daniel Darc, pieces of my life. A la manœuvre : les réalisateurs Marc Dufaud et Thierry Villeneuve. Parce que Dufaud a filmé Darc pendant une vingtaine d’années : chez lui, chez ses parents, dans la rue, dans le métro, parfois à l’arrache, entre deux cafés, deux balades, deux errances… La première fois que Dufaud a mis une caméra entre lui et Darc, c’était au début des années 1990. Sans scénario. Comme ça, pour voir, sentir, prendre la température, poser les bases d’un long métrage. C’était une quinzaine d’années après la formation de Taxi-Girl.
Les veines tranchées sur la scène du Palace
Images et archives à l’appui, Dufaud et Villeneuve remontent le temps. Juste pour rappeler comment Daniel Rozoum, né en 1959 à Paris, est devenu Daniel Darc. Comment l’ado du lycée Balzac a été propulsé leader-chanteur du groupe Taxi-Girl en 1977. Un hasard… Darc le dit lui-même : il ne savait pas chanter, mais il était punk, il avait les cheveux courts et il bougeait mieux que les autres, alors il a été choisi. La suite, c’est le tube Cherchez le garçon en 1980, les couv’ de magazines, les passages à la télé, mais aussi les veines tranchées sur la scène du Palace, en première partie des Talking Heads, pour le sang qui gicle « comme dans les films de Peckinpah », confie Darc face à Dufaud. C’est l’époque de tous les excès, la vie à toute vitesse, le « no future » et autre « mourir à 21 ans comme Cochran ». Autodestruction au menu. Overdose de Pierre Wolfsohn, le batteur de Taxi-Girl : un frère pour Darc. Et fin de partie pour le groupe au milieu des années 1980.
L’homme au bras d’or…
La carrière solo de Darc, c’est celle d’un garçon qui se cherche toujours… Entre ses références multiples – elle vont de Jean Genet à William Burroughs, en passant par Lautréamont, Johnny Cash, John Coltrane ou James Dean…-, une quête de liberté et l’envie de « faire » des chansons, de la musique. C’est ce qui transpire des scènes tournées dans son appartement, qui suinte la déglingue. Une pièce minuscule où Darc fait tout : lire, écrire, dormir, se piquer… Car, durant les années 1990, son quotidien est rythmé par l’arrivée du dealer et l’heure des shoots, parfois à plusieurs sur une même seringue. Des années compliquées, où Darc va même passer par la case prison. Où Darc se compare à L’homme au bras d’or.
« Il est arrivé à neuf heures moins cinq… »
Pas de complaisance dans le film de Dufaud et Villeneuve. On est dans le « dur », la réalité. Celle de Darc, le punk, le rocker. Mais aussi celle d’un long métrage à monter, avec des dizaines de bobines de film, comme autant de petits cailloux semés sur un chemin très chaotique. Puis, comme dans un bon polar, l’intrigue progresse. Darc se met à croire en Dieu. Il arrête l’héroïne. Il croise la route du musicien et producteur Frédéric Lo, qui lui donne rendez-vous un matin à 9 heures pour faire un disque, sans vraiment croire à sa venue. « Il est arrivé à neuf heures moins cinq », se souvient Lo. Quelques mois plus tard, l’album Crèvecœur sortira dans les bacs. Nous sommes en 2004, année de résurrection pour Darc, qui va même recevoir une Victoire de la Musique, dans la catégorie… « Révélation ». Pas banal pour un artiste dont la carrière avait déjà près de 30 ans. « Quand je mourrai, j’irai au paradis, car c’est en enfer que j’ai passé ma vie », a écrit Darc. Une phrase aux allures d’épitaphe. Elle résume aussi fort bien le très bon film de Dufaud et Villeneuve.
Daniel Darc, pieces of my life : sortie en salle le 24 juillet.