« J’étais mauvais en classe. » C’est comme ça que Thomas Dhellemmes débute le récit de son parcours. Il n’en demeure pas moins qu’il va intégrer l’Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (Ensaama), à Paris. La suite ? Ce sera la pub. Il débarque chez Léo Burnett. Mais, là, on lui dit : « Tu devrais devenir photographe… » La photo, Dhellemmes en fait « depuis toujours ». Depuis tout-petit ? Faut pas exagérer quand même… « J’en faisais beaucoup en parallèle de l’Ensaama. Je suis même parti deux ans au Cap-Vert, où je photographiais la vie quotidienne sur place. Avec ce travail, j’ai gagné un prix aux Rencontres d’Arles en 1988. » C’est parti comme ça. Avec une grosse activité, pendant dix ans - au sein du Studio Oasis -, pour des agences de pub et des marques allant de Carrefour à Hermès, en passant par Roche Bobois. Pour Dhellemmes, c’était son « solfège ».
Les nourritures terrestres l’inspirent
A l’orée des années 2000, alors qu’il vient de fonder L’Atelier Mai 98, Dhellemmes a l’occasion de mettre un pied dans l’univers de ce qui se mange et ce qui se boit. Ça lui plaît. Et ce d’autant que cet « amoureux du beau et du bon » aime la table et recevoir chez lui, « même si je ne suis pas un grand cuisinier ». Les nourritures terrestres l’inspirent. Il va bosser pour Lignac et Ducasse, entre autres, décrocher des prix pour des livres de cuisine, puis faire des passerelles avec l’univers de la déco ou celui du parfum : en 2008, il remporte le Prix Jasmin du Comité français du parfum, pour un reportage paru dans Paris Match.
« Je préfère le voyageur au super diplômé »
L’Atelier Mai 98 se situe à Bois-Colombes. Autrement dit : à deux stations de RER de la gare Saint-Lazare. Tout un voyage pour certains. L’occasion de passer le périph’ pour d’autres et surtout celle de pousser la porte de ce drôle de QG où une quinzaine de personnes – photographes, retoucheurs, directeurs artistiques, graphistes, apprentis, stagiaires…- travaillent, échangent, fédèrent leurs compétences. D’aucuns parleraient de « ruche ». Sauf qu’il n’y a ni abeille, ni reine, juste une dynamique et un esprit d’équipe. C’est ici aussi que Dhellemmes développe ce qu’il appelle « un travail plus personnel ». Le dernier du genre est un livre, où une série de ses polaroïds répondent aux textes de l’écrivain Tahar Ben Jelloun. A moins que ce ne soit l’inverse… Entre alchimie et osmose, les mots se posent sur les photos et les photos imposent les mots. Un va et vient baptisé Jour bleu, où le lecteur passe d’une ville à une femme nue, d’un enfant endormi à des fenêtres voilées… Une sorte d’errance un brin nostalgique, entre rêverie peuplée de fantômes et carnet de voyage teinté de mélancolie. Le tout issu d’une amitié entre le photographe et l’écrivain née au début des années 2010 à Tanger, où ils sont voisins. Si l’ouvrage paraît en septembre aux éditions Cercle d’Art, une expo du travail du duo est prévue du 12 juin au 12 juillet à la School Gallery, à Paris. L’occasion de découvrir une autre facette du photographe. « Un autre travail d’équipe », confie ce vrai-faux solitaire : « A 20 ans, j’ai fait New York-Los Angeles, seul, en voiture. Ça forge le caractère. Ça apprend aussi qu’il faut faire ses preuves. Si bien que lorsque je recrute à l’Atelier, je préfère le voyageur au super diplômé. »