Comme Antoine, le chanteur-navigateur, Benoît Chavanne ne porte que des chemises à fleurs. « C’est pour trancher avec les costumes sombres et la morosité ambiante », dit-il. Le ton est donné : pas pour lui la panoplie de l’homme d’affaires. Le chemin tout tracé non plus. Après une hypokhâgne et une khâgne au lycée Condorcet, à Paris, il rate Normale Sup. Pas de quoi déprimer. Il s’inscrit à la fois en philo à la Sorbonne et dans une école de commerce. Une fois diplômé des deux, il n’en reste pas là. Avide de savoir, il démarre un cursus de droit à Nanterre, tout en donnant des cours de philo au lycée international de Saint-Germain-en-Laye. Il sera prof durant cinq ans. Touche à tout, curieux de tout, il accepte ensuite la direction du service culturel du Val d’Europe. Mais il s’y sent vite à l’étroit. Il a besoin d’air, de légèreté, de fantaisie. A trente ans, il veut exercer un métier où il se sent libre. Un métier qui lui plaît. Il aime manger. Il aime boire. C’est le début d’une piste.
Il apprend à réaliser la daube provençale… à Hawaï
« Je cuisine depuis que j’ai 12 ans », confie-t-il. Une passion qui le poursuit. Ses voyages, par exemple, ont toujours été l’occasion de se perfectionner derrière les fourneaux : il s’est initié aux préparations du riz pendant son service militaire au Yémen. Plus exotique encore : il a profité d’une escapade à Hawaï pour apprendre à réaliser la daube provençale auprès d’un chef toulonnais… Mais qui dit découverte de nourritures terrestres dit aussi initiation aux breuvages qui les accompagnent. Une soif d’apprendre qui conduit Benoît Chavanne jusqu’à l’Université du vin, dans la Drôme. Là, il se forme, s’informe, puis crée en 2005 la société Hubris - « démesure » en grec - : « Car il n’y a jamais trop de plaisir ! » Au début, la cuisine de sa maison, voisine des Buttes Chaumont, sert de laboratoire. Une sorte de QG expérimental. Il y organise des dîners, des découvertes de produits, supervise des accords mets et vins. Dans le même temps, il vide sa cave et la transforme en entrepôt : elle déborde de caisses et de bouteilles, car il développe la vente aux particuliers de « crus intéressants » qu’il a lui-même repérés chez des vignerons. Jamais les deux pieds dans le même sabot, il se lance aussi dans l’événementiel et emmène passionnés, gourmands, gourmets, déjeuner ou dîner dans des lieux inattendus à Paris, mais aussi et surtout… ailleurs. Un jour, il peut squatter une suite de palace ou une terrasse avec vue, un autre dresser une table au milieu des vignes.
« Le plaisir, c’est l’esprit et les sens »
Avec lui, « le vin, c’est l’esprit ». L’ex-prof de philo a retiré de son vocabulaire les mots « luxe » et « dégustation ». Ils sont inutiles, superflus, hors sujet. « Le plaisir, c’est l’esprit et les sens », répète-t-il. Depuis 2010, Hubris dispose de son propre atelier, situé lui aussi dans le quartier de la Mouzaïa. Fini les soirées tardives dans le salon familial. Benoit Chavanne s’est même offert un entrepôt en Champagne, histoire de libérer - « enfin ! » - sa cave. On est loin des salles de cours du lycée international de Saint-Germain-en-Laye… « Je transmets toujours, répond-il. Mais autre chose et autrement. »