Il vient d’avoir son bac. Avec mention. A 18 ans, Roméo démarre un cursus à l’université Paris 2, car le droit du sport attire ce supporter du PSG, le club de son quartier. Autre signe particulier : ses quarante paires de baskets. « Elles sont toutes rangées dans ma chambre, dans leur boîte d’origine. Il y en a sous mon lit, dans des placards, sur des meubles… » Une passion qui a débuté au collège : « J’ai commencé à regarder les sites spécialisés lorsque j’étais en 4ème. » Quant à sa première paire de Jordan, « je l’ai eue alors que je ne marchais pas encore ». Il sourit à l’évocation de ce souvenir. Surtout qu’il a gardé la photo de lui, bébé, avec ses baskets aux pieds.
« Je suis collectionneur, pas revendeur »
Roméo n’est pas sneaker addict. Car les vrais accros, les obsessionnels comptent plusieurs centaines de paires, qu’ils sont parfois obligés de stocker dans des boxes loués « pour la cause ». Lui se dit juste « collectionneur ». Une façon de se démarquer des « revendeurs » : ceux qui achètent des paires rares pour les refourguer dans la foulée, quatre à cinq fois plus cher. La communauté des tapés de la pompe de sport a donc ses tribus et surtout… ses codes. Le principal : premier arrivé, premier servi. Lorsqu’il faut passer une partie de la nuit, ou de la journée, devant une boutique qui va mettre en vente quelques paires d’un modèle collector, il faut s’armer de patience, prendre un numéro et répondre présent lors de l’appel. Sinon, on perd sa place. « Ça, c’est le système des camps. Je me souviens d’un camp qui avait duré cinq jours. On m’avait donné différentes heures où je devais venir pour répondre présent lors des appels. » A ces camps s’ajoutent les loteries : « les noms de ceux qui vont pouvoir participer à une vente sont alors tirés au sort. » Si entre les heureux élus s’immisce une certaine rivalité, émeutes et bastons ne sont pourtant pas au menu. « On respecte les règles. On respecte les autres. » Des travaux dirigés avant l’heure pour le futur juriste. Quant à ces règles de bonne conduite orales, telles des coutumes, elles contrastent avec le « tout est permis » ambiant de notre société en perte de repères.
Prises de guerre et pièce de musée
Parmi ses prises de guerre, Roméo parle d’une paire de baskets éditée à neuf exemplaires seulement. « Elles ont été créées pour un événement organisé par Nike à Paris. » Il n’a jamais porté ces chaussures : elles sont toujours dans leur boîte avec le maillot de foot réalisé pour l’occasion. « Lui non plus, je ne l’ai jamais mis… car il est trop grand pour moi. » Il compare le contenu de cette boîte à « une pièce de musée ». Un trésor à part qu’il ne montre qu’aux initiés. « Au lycée, nous étions peu à nous intéresser à ça ». Surtout à l’heure du retour de la Stan Smith, « qui a remis Adidas à la mode ». Pour rester informé des camps, loteries et autres sneaker events, Roméo infiltre la communauté via Instagram et Twitter. Un œil sur son portable. L’info est tombée : « Demain, une vente est prévue à la Cité de la mode et du design. » Il y sera. Il termine en se voulant rassurant : « je me casse moins la tête quand je dois m’acheter un jeans ! »