Ado, il voulait devenir avocat. Son bac en poche, il s’inscrit à la fac de Tolbiac. Mais Christophe Eon ne va pas dépasser la deuxième année de droit. Car il croise la route d’une pro de la brocante. Elle lui plaît. Il la suit et ouvre un stand aux Puces avec elle. « Quelques temps après, j’ai changé », dit-il. De compagne et de boulot. Il s’éprend d’une styliste et se lance, avec elle, dans le prêt-à-porter. L’aventure va durer sept ans. Il faudra une faillite pour qu’il sorte du business « de la fringue ». Nous sommes à la fin des années 1980. Eon cherche un job. Son coloc’ de l’époque lui parle d’un drôle de type qui « cherche quelqu’un ». Le type en question envoie un télégramme à Eon et lui donne rendez-vous dans un resto indien du XVIIIe arrondissement. « J’y vais et là je me retrouve en face d’un sosie de Coluche qui me demande : tu aimes la photo et l’informatique ? Combien tu veux pour bosser pour moi ? »
13 millions de francs pour monter « un labo photo numérique »
Eon ne perd pas le Nord et encore moins ses moyens. En deux temps, trois mouvements, il va récupérer 13 millions de francs pour monter « un labo photo numérique ». « J’ai dit banco alors que je ne savais même pas de quoi on me parlait. Dans les années 1988-1989, le numérique c’était l’inconnu… » Personne ne comprend ce qu’il fait. Peu importe. Jean-Paul Goude et Jean-Baptiste Mondino sont ses clients. Pour eux et pour la pub en général, Eon redessine des piscines, pose des voitures sur la Lune, découpe des femmes en morceaux… Il apprend à jouer avec les images. Un pari dans lequel peu encore s’aventurent. Résultat : « c’était du 24 heures sur 24. »
Du 100 m2 rue de Naples aux 2 000 m2 rue de Dunkerque
En 1994, Eon crée sa société. Il lui donne un nom : Janvier. Pourquoi le premier mois de l’année ? « Au départ, comme personne ne comprenait rien à notre métier, je voulais appeler la boîte Les Martiens. Mais impossible de prendre un dérivé de tout ce qui peut rappeler la fameuse barre chocolatée... Alors j’ai pensé au Jambier de La Traversée de Paris. Et Jambier est devenu Janvier. » La boîte progresse vite. Très vite. Car Eon fait référence dans le domaine de la post-production d’images à Paris. La preuve : il installe ses premiers bureaux rue de Naples, dans un appartement de 100 m2, au rez-de-chaussée d’un hôtel particulier XIXe. Un an et demi plus tard, il multiplie par cinq cette superficie, rue Laugier. Suivra un espace de 2 000 m2, rue de Dunkerque.
Un baby foot près de la machine à café
Aujourd’hui, le numérique est partout. Le téléphone sert d’appareil photo. Les retoucheurs sortent des écoles par dizaines. Janvier existe toujours, dans un espace surmonté d’une immense verrière, rue de Rochechouart. Mais l’âge d’or de la pub est passé. On ne s’amuse pas moins qu’avant, mais plutôt autrement. Avec le baby foot installé près de la machine à café, par exemple... Quant à la collection d’une quinzaine de motos, autrefois garées en permanence dans les locaux de la rue de Dunkerque, Eon ne l’a plus. « Fini les circuits. » Il a gardé une moto pour circuler dans Paris, « mais les jours de pluie, c’est plutôt le scooter. »