Il a tout connu. Tout vu. Tout entendu. Blasé ? Même pas. Planqué dans son arrière boutique, 8 rue des Grands-Augustins, cette figure de Saint-Germain-des-Prés est intarissable quand on lui pose des questions sur son passé. Normal, Michel Nikolay a traîné au Golf Drouot, picolé à côté de Gainsbourg et Blondin, vu les Beatles en 1965 sur la scène du Palais des Sports et Springsteen en 1980 pour son premier concert en France : « c’était dans un gymnase à Saint-Ouen, le spectacle avait duré plus de quatre heures. A la fin, Springsteen reprenait le répertoire d’Elvis… »
« Mon père vendait des fleurs le jour, des fruits et légumes la nuit »
Gamin, déjà, il ne voulait pas « avoir de patron » plus tard. « Ma mère était femme de ménage. Mon père bossait dans les Halles : il vendait des fleurs le jour, des fruits et légumes la nuit. » Il débute comme ça, le récit des choses de sa vie. Son certif’ en poche, il échoue dans un lycée technique, place des Fêtes, pour s’initier à la métallurgie et, dans le meilleur des scénarios, finir dessinateur industriel. Il va tenir six mois. Plutôt doué avec le maniement de la langue française, il enfile la blouse grise du typographe : « c’était l’époque où France Soir avait neuf éditions par jour, vendues par des crieurs de journaux. » Puis, à la façon d’Antoine Doinel, il va enchaîner les boulots. « J’ai été emballeur et livreur dans le Sentier, disquaire à l’Eldorado, barman : j’étais payé à la journée, je flambais tout… » Ce joueur - « j’ai joué à tout » - et fan d’Eddy Mitchell - « j’ai tous ses disques » - rêvait d’être musicien ou comédien : « Je n’ai pas rencontré les bonnes personnes pour ça… et puis j’étais nul avec ma guitare. »
« Des Toulouse-lentilles dans un bistrot des Halles, en sortant de boîte »
A son retour du service militaire dans le Sahara algérien, Paris gîte, s’agite. Mai 68 se profile : « J’étais dans le Quartier latin. C’était merveilleux. » C’est aussi l’époque où il vit la nuit et dévore « des Toulouse-lentilles dans un bistrot des Halles, en sortant de boîte ». Il veut devenir joueur de poker professionnel. Finalement, il renonce et se lance dans l’immobilier : « une autre forme de jeu ». De 1969 à 1995, il va acheter, vendre, racheter, revendre, jongler avec les billets, gagner au Monopoly pour de vrai et même goûter quelques temps à « ce que c’est qu’être milliardaire ». Mais taper dans la main pour arrêter une affaire est une méthode qui n’a plus lieu d’être au milieu des années 1990. Il se fait plumer. Il est ruiné. « J’ai tout perdu. Il ne me restait que ma collection de petites voitures. J’en avais près de 5 000. » Pas banal pour un type qui n’a pas son… permis de conduire.
Stars, cimetière de bouteilles et Paris Turf
Ses jouets vont le sauver. Il va transformer sa passion en profession. Il installe sa collection dans une boutique proche de la Seine, aujourd’hui voisine de Dilettantes, la maison du champagne. Dans son QG, il reçoit désormais amateurs, collectionneurs, stars et inconnus. C’est sa nouvelle vie. Plus sage. Plus rangée. Même s’il sourit en pointant du doigt le cimetière de bouteilles qui complique l’accès à l’escalier de sa boutique. Une boutique sans enseigne, ni nom sur la façade, comme chez Castel. Enfin, s’il s’est fait interdire volontairement de jeux, il n’a pas renoncé aux courses : « Je lis Paris Turf tous les jours. »