Ado, il voulait devenir prof de sport. « J’étais bon en athlétisme, en VTT… et je voulais me démarquer. » Son bac S en poche, Christophe Sauvage intègre l’école de sport de la Catho d’Angers. « Je n’y suis resté qu’un an. Je n’ai pas aimé l’esprit de promo, d’entre soi. » Au détour d’un sondage de rue, pour gagner son argent de poche, il refait le monde avec une étudiante en sociologie. Elle lui parle d’une échappée en Inde liée à un Master qu’elle s’apprête à débuter à Grenoble. Sa curiosité est suscitée. Pour valider son année, il part faire ses stages de sport à Grenoble, qu’il rallie depuis Angers à vélo, en une semaine chrono. « J’ai pris ça comme un voyage initiatique. »
« Je ne mangeais pas de viande et ne rentrais jamais dans un supermarché »
Sur place, il supervise des excursions en « ski de rando », rythmées par des pauses où les participants dessinent les montagnes au fusain. On est loin des bords de Loire et des soirées d’intégration aux allures d’usine à mariages. Si bien qu’il va s’installer à Grenoble, s’inscrire en fac de socio et, pour s’affranchir un peu plus encore des voies déjà tracées, choisir de vivre dans un appart’ sans frigo, ni eau chaude, ni chauffage. « J’avais 20 ans, je ne mangeais pas de viande, que du bio et du local, je ne rentrais jamais dans un supermarché. » Va suivre une coloc’ avec une dizaine d’étudiants dans ce qu’il appelle « la maison du bonheur » : un mix isérois entre L’Auberge espagnole de Klapisch et la maison bleue de Le Forestier.
Il consacre son mémoire de Master au Combi Volkswagen
Fan de Kerouac et de la Beat Generation, la route l’inspire. La preuve : son mémoire de Master 1, sur le thème de « l’imaginaire du voyageur », est consacré au Combi Volkswagen. Le sujet plaît, la soutenance aussi, il obtient 16/20. L’année suivante, il poursuit son observation du Westfalia, de la communauté et des rituels qui vont avec. Pour cette bonne cause, il mène ses investigations et décroche son Master 2 à Montréal, où il se plonge dans les écrits de l’Ecole de Chicago - courant de pensée apparu au début du XXe siècle dans le premier département de socio au monde - . A son retour à Grenoble, pas de thèse, mais un job d’animateur pour ado en difficulté dans une MJC de quartier. Là, il apprend aux jeunes à travailler le bois. Parce que Christophe Sauvage est doué de ses mains : « gamin, je bricolais les meubles de ma chambre. » Mais il a l’impression de « mentir » aux jeunes : « je leur faisais croire que je savais. » Or, il ignore tout du métier d’ébéniste ou de menuisier. Il veut se former.
Verdun, l’Ecole Boulle, la charrette du Luco et un surnom
Une fois de plus, il prend la route, voyage léger, dort à la belle étoile. Direction : Verdun. « L’ANPE m’avait trouvé une formation dans cette ville. » Quand d’aucuns auraient tiqué à l’idée de s’exiler dix mois dans la Meuse, lui n’hésite pas. Suivront des stages d’ébéniste à Paris et une formation accélérée à l’Ecole Boulle. Le bois, c’est sa voie. Il aime faire, parfaire, toucher, façonner, transformer, créer. Il refuse les CDI, reste indépendant, enchaîne les chantiers à Paris, où il circule à vélo en tirant une remorque remplie d’outils. Son fait d’armes ? Avoir fabriqué la charrette qui transporte les bateaux du bassin du jardin du Luxembourg. Tout le gratin de Saint-Germain - qui depuis l’a surnommé… Jésus - va alors lui passer commande de pièces de mobilier. Aujourd’hui, même si la plupart de ses chantiers sont à Paris, Christophe Sauvage vit - « sans télé, mais avec Internet » - dans une maison en Bourgogne, où il a son atelier. Son voisin ? « C’est un copain de la coloc’ de Grenoble : ingénieur de formation, il est devenu paysan-boulanger. »