J’ai pris le TGV de 15h51. Un Paris-Nantes. J’avais une place assise à l’étage de ce train à double niveau, mais j’ai préféré squatter le wagon-bar. Car, une fois n’est pas coutume, je voyageais avec une valise. Imposante. Fallait la caser, la planquer. Pas le choix : je me suis installée le long d’un comptoir, au milieu du bar, avec un renfoncement suffisamment grand, près du tabouret, pour ranger le bagage. J’avais à peine retiré ma veste, que le bistrot « à grande vitesse » a été investi par une douzaine d’envahisseurs… envahissants.
A ma gauche : cinq militaires. A ma droite : une bande de types échappés des bords du canal SM (Saint-Martin). Les premiers rentraient à la caserne d’Angers, mais avaient tout prévu pour un apéro… à l’heure du goûter. Les seconds avaient embarqué un gars aux yeux bandés, casque audio et capuche sur la tête, pour lui « enterrer sa vie de garçon »… à Angers aussi. A ma gauche : le TGV était encore à Montparnasse que le plus bruyant des soldats a dégainé couteau Laguiole, saucisson et sorti le stock de Hoegaarden. Ça tranchait dur. Ça décapsulait avec les dents. A ma droite : la bande du canal, dont les membres portaient le même uniforme « trop cool » (T-shirt-jeans-baskets), parlait fric, mètres carrés parisiens, bureau, réunions… Pendant ce temps, les militaires avaient détourné un sac couleur camouflage en table basse, pour taper le carton : leurs parties de Tarot à répétition compliquaient la circulation dans le wagon. RAF –« rien à foutre ! »-. Affamé, le gars au Laguiole était passé du saucisson au reblochon. Et chez les bobos-bio-risotto ? On échafaudait un plan foireux pour mettre le futur marié dans un coffre de bagnole : « Il va étouffer ? » « Mais non, on ne va pas loin… »
« Croco » Haribo, foot, MASH et Petits Mouchoirs
Après la gare du Mans, fini le reblochon. Tout en entonnant Le téléphone pleure, puis Les Filles de Camaret, les soldats ont demandé une assiette en carton à la serveuse du bar pour y mettre des « croco » Haribo. Côté canal SM, on en était à commenter le match de foot Italie-Suède, en cours. Je me sentais quelque part entre MASH –sans Donald Sutherland- et Les Petits Mouchoirs –avec plein de Gilles Lellouche-. Merci à la SNCF d’avoir concocté une telle attraction dans ce wagon pour mon dernier aller-retour Paris-Angers. Une certaine façon de saluer ma fidélité au TGV depuis cinq ans et demi. Franchement, fallait pas…