L’habit ne fait pas le moine. Lorsque Didier Long pousse la porte du restaurant La Gare, chaussée de la Muette, rien ne laisse penser qu’à l’âge de 15 ans, il volait des mobylettes et faisait les trois-huit chez Michelin, à Clermont-Ferrand. “J’étais ajusteur-monteur”. Nous sommes en 1980. Le rythme est dur pour un ado. Il veut en finir. Avec la vie. Avec sa vie. Avec tout. Il avale un cocktail de médicaments. Il en réchappe. Hasard des rencontres, à sa sortie de l’hôpital, il croise la route d’un prof, qui enseigne la philo à la fac de Clermont : “un spécialiste en théologie du IXème siècle. Il m’écoutait en allumant une bougie”. Le soudeur est ailleurs. Il démarre la lecture de la Bible : “je me suis retrouvé dans tous les personnages”. Plus qu’une évidence, c’est une révélation. Il quitte Michelin pour l’Abbaye de la Pierre-qui-Vire, dans le Morvan. “Je fais un stage au sein de la communauté et, au bout de six mois, on m’appelle frère Marc”, raconte-t-il installé au bar de La Gare. Il parle alors d’une vie “rythmée par la prière et sept offices par jour”. Une existence faite de silence, “sans viande et dans une cellule de 15 m2” : “je pesais 50 kilos”. “J’ai fêté mes 20 ans là-bas, se souvient-il encore. On m’a offert des fleurs des champs, emballées dans un papier d’allu”. Il va rester dix ans aux côtés de la centaine de moines bénédictins de l’abbaye. Le temps de créer les Editions Zodiaque, spécialisées dans l’art roman, flirter avec l’art plastique -il est exposé par Cyrille Putman et recompensé à la Biennale de Venise en 1992- ou encore chapeauter la formation théologique de la communauté.
Le moine flashe sur la journaliste
Sa vie bascule à nouveau au milieu des années 1990. Une équipe de France 2 débarque à l’abbaye. Le temps d’un reportage. Le moine flashe sur la journaliste. C’est le coup de foudre et sur un coup de tête, il quitte tout : sa cellule, le silence monastique, la campagne, ses frères. “Du jour au lendemain, je me suis retrouvé à la rue avec 20 000 francs d’économie et une femme qui, à l’époque, n’était pas amoureuse de moi”. Mais le vent va tourner. Le temps d’un dîner au Totem, place du Trocadéro. Il va se confier. Elle va succomber. Ils ont le premier de leurs deux enfants en 1997 et se marient deux ans plus tard. Conte de fées ou drôle d’histoire ? Didier Long ne voit pas son passé comme une curiosité. Plutôt comme “un chemin”. Une route. Un parcours où il s’ouvre à tout. Y compris aux nouvelles technologies. Et ce, dès le milieu des années 1990. C’est ainsi qu’il a conçu et réalisé des CDRom -“dont La Bible”-, puis endossé la panoplie de consultant pour Fnac.com, 01.Net et McKinsey. Aujourd’hui à la tête de son propre cabinet de conseil en stratégie Internet, il accompagne grands patrons et fonds d’investissements : époque formidable. “Je me sens comme un papillon. J’ai mis du temps à savoir qui j’étais”. Et sa quête n’est pas finie. Il vient de rejoindre le judaïsme traditionnel séfarade. « J’ai découvert en Jésus un homme juif. J’ai commencé à pratiquer le shabbat et poussé la porte de la synagogue au bout de ma rue ».