Elle avait pourtant pris soin de vérifier que personne ne l’observait. Sauf qu’elle ne m'avait pas remarquée... Elle était assise dans le bus, moi debout. Je la dominais. En léger décalé. Mais je voyais tout de ses faits et gestes et surtout des messages qu’elle envoyait depuis son smartphone. Un mystérieux correspondant lui donnait des nouvelles de « sa » météo locale et elle lui commentait le ciel parisien de ce matin-là : « ici, c’est plus froid qu’hier. Mais pas de pluie. Du soleil et qq nuages ». Le bus arrivait alors aux abords de la place Saint Sulpice. Puis, d’un coup, elle est passée des SMS à l’un de ses sites « préférés ». Là, des dizaines de visages masculins se sont affichés. Comme de potentiels nouveaux « amis » sur un profil Facebook. Elle a fait glisser ses doigts sur l’écran et des tronches souriantes ont défilé. Elle s’est arrêtée sur trois cinquantenaires, qu’elle a cochés. L’histoire ne dit pas si cette femme a trouvé l’âme sœur ce jour-là sur ce site de rencontres, entre un point météo et l’arrivée au bureau. Mais sa facilité à banaliser la recherche de celui qui pouvait l’amuser un soir, l’emmener en vacances, voire emménager avec elle, m’a bluffée. En même temps, l’écrivain Roland Jaccard, 73 ans, a bien déniché sa dernière conquête, âgée d’une vingtaine d’années seulement, sur Facebook. Ils en ont même fait un bouquin, Une liaison dangereuse (L’Editeur), qui alterne messages électroniques et prose. Epoque formidable ?