Louis Garrel n’en est pas à son coup d’essai derrière la caméra. On lui doit déjà deux courts et un moyen métrage. Pour son premier « long », Les deux amis, actuellement sur les écrans, il s’est inspiré des Caprices de Marianne, de Musset. Mais l’adaptation est libre. Très libre. Parce que le Paris des années 2010, qui sert de toile de fond à l’errance de deux copains, ne ressemble en rien au Naples imaginaire de l’auteur romantique du XIXème. Entre la sandwicherie d’une gare, des bains douches, les coursives d’une prison ou la loge d’un gardien de parking, rien à voir avec le charme d’un jardin italien. Ici, on est dans la survie. Une survie saupoudrée d’un brin de fantaisie grâce aux dialogues ciselés du duo Garrel-Honoré. Mais l’ambiance générale reste sombre, plus désespérée que celle qui émanait du Monde sans pitié d’Eric Rochant par exemple, où le Paris de la fin des années 1980 était plus léger, plus aérien. Ici, on est à l’heure du smartphone, de Facebook. D’ailleurs Garrel disserte sur la vie en groupe et les limites de l’amitié. S’il titre Les deux amis, il traite d’une vie (im)possible à trois : quand Abel (Louis Garrel) croise le regard de l’amie (Golshifteh Farahani) de son ami (Vincent Macaigne), rien ne va plus et clin d’œil à Truffaut (Jules et Jim), Téchiné (Rendez-vous) ou encore Doillon (Le Mariage à trois). Le thème de la solitude est également abordé : rien de pire que de se sentir seul dans une boîte de nuit bondée ou pas avec la bonne personne dans une chambre d’hôtel… Entre balade mélancolique et portrait d’une société qui ne sait plus si elle peut encore rêver, Garrel pose un regard juste sur notre époque… formidable un peu, beaucoup et parfois pas du tout.