Je l’ai connue en jupe et veste de tailleur, donnant ses rendez-vous chez Carette, place du Trocadéro, à Paris. Valérie Texier travaillait alors dans l’industrie pharmaceutique et pour l’université de Paris-Dauphine, aux côtés de l’économiste de la santé Claude Le Pen : elle développait l’arrivée sur le marché des médicaments génériques. C’était à la fin des années 1990. Depuis, elle a bossé dans la pub, la presse médicale, le coaching, les nouvelles technologies… « J’ai appris seule à créer des sites Internet », confie-t-elle, installée sur une banquette du Café Charbon, rue Oberkampf. Hermétique aux examens ou autres concours, elle ne s’est pas présentée à toutes les épreuves du bac. « Je ne l’ai eu qu’à 25 ans, via le Cned, après être passée par une école privée de publicité ». Sur le tard aussi, elle a repris des études de psycho à Paris 8. Parce qu’elle ose beaucoup et s’ouvre à tout. Un jour, cette soixante-huitarde -« je suis née en 68 »- supervise les « comptes parallèles » d’un groupe de presse situé Cité Paradis -ça ne s’invente pas…- ; un autre, elle assure la scénographie d’une expo au Palais de Tokyo ; un autre encore, elle planche sur des stratégies de communication pour la Sorbonne. « J’ai même failli racheter un site de rencontres », dit-elle.
« J’ai démarré avec des lames de cowboy et de l’alcool à 90° »
Et aujourd’hui ? « Je suis barbier à Marseille » : époque formidable, où toutes les reconversions sont possibles. « J’ai appris sur le tas, en écoutant, en observant. Je me suis équipée à la maison Empereur, le plus vieux quincailler de la cité phocéenne, et je me suis formée avec les gens de la rue ». Elle fait allusion à ceux du quartier Noailles, « succursale de l’Afrique du Nord ». « J’ai démarré dans ma cour d’immeuble, avec des lames de cowboy et de l’alcool à 90° ». Depuis, elle a intégré l’atelier LeB.E.L., où officie entre autre « un ancien trapéziste devenu coiffeur ». Là, ses clients ont leur bouteille de whisky à leur nom et leur boîte à cigares. « J’aime l’humanité qui se cache derrière chaque projet », explique celle qui voulait devenir ébéniste, « comme mon grand-père ». Proche de groupements d’artistes à Marseille ou Paris, elle aime les films muets, les séries B, le noir et blanc, les contrastes. Autre de ses signes particuliers, à l’heure du Vélib’ parisien ou du Vélo marseillais : « je roule en Dax ». Quant à son dernier hobby, il s’appelle TV Marseille : « depuis deux ans, je fais des micro trottoirs dans lesquels j’invite les Marseillais à parler de leur vie, de leur ville ». A titre d’exemple, lorsqu’elle a demandé au socialiste Patrick Mennucci de dire quel plat il était, il lui a répondu : « de la daube ».