Le pari était osé. Gonflé même. Raconter les coulisses de la rencontre entre Eric Rohmer et Jocelyn Quivrin, sur le tournage des Amours d'Astrée et de Céladon, au fin fond de l’Auvergne. C’était en 2006. Sur le moment, Quivrin s’était dit métamorphosé par cette expérience. Cette aventure, dans la nature. Si bien qu’il voulait en faire un film. Le scénario était d’ailleurs quasi bouclé, fin 2009, lorsque le comédien est mort au volant de son roadster Ariel Atom, dans le tunnel de Saint-Cloud. La réalisatrice Léa Fazer va alors s’approprier l’histoire et reprendre le flambeau. Elle qui avait dirigé Quivrin dans Notre univers impitoyable et Ensemble, c'est trop. Le résultat ? Il est actuellement sur les écrans. Le film s’intitule Maestro. Avec Michael Lonsdale dans la peau d’un certain Cédric Rovère et Pio Marmaï dans le rôle d’Henri, un jeune acteur calqué sur la personnalité de Jocelyn Quivrin : il débarque sur le tournage en Ford Mustang décapotable et décapotée, préfère Fast and furious aux Nuits de la pleine lune et croit que le cachet de 2 700 euros qu’on lui propose, c’est par jour. « Euh, non, lui rétorque son agent : c’est pour tout le film ! » Le ton est frais, léger, on rit, on est touché aussi par les maladresses d’Henri, son humour balourd, qui parfois fait mouche. Comme cette réplique, magique : « Verlaine, what else ! ». Et puis, on aime aussi le budget ric-rac imposé par Rovère, qui fait piquer une crise à la coiffeuse du plateau et péter les plombs à la fidèle assistante (épatante Dominique Reymond). Alors, non, nous ne sommes ni dans Le genou de Claire, ni dans Le Rayon vert, mais il y a de la subtilité dans ce cinéma-là. De l’humour. Et beaucoup de poésie. A l’instar de cette scène, à Venise, où Henri remercie Rovère de lui avoir appris à « payer sans marchander le prix exorbitant de la beauté ». Epoque formidable.