Ça faisait longtemps que je n’avais pas testé un dîner de journalistes. Cela s’est passé à Nantes, avec une dizaine de confrères venus de Paris, à l’occasion de l’ouverture d’un nouvel hôtel. A 20h30, rendez-vous chez Lulu Rouget, le resto du chef Ludovic Pouzelgues, un p’tit gars plutôt doué, passé par la maison Troisgros à Roanne et L’Atlantide, table étoilée nantaise. D’emblée, je me suis mise en bout de table, histoire d’avoir, en solo, une vue d’ensemble de la colo. Là, j’ai vite repéré quatre précieuses plus ridicules que les autres. L’une a dîné avec ses lunettes de soleil sur le nez et vanté les mérites de sa doudoune Uniqlo : « c’est tellement chic de la mélanger à des accessoires Hermès » (je cite). Un autre a rappelé que « son » journal affichait le plus gros tirage des titres représentés autour de la table. Une autre a appelé l’attachée de presse par un prénom qui n’était pas le sien, sans s’excuser. Ben non, pourquoi ? Ma consoeur vit seule au monde. Sa devise : « ma vie, mon œuvre, mon cul... » Et le petit denier pour la route : un type, droit comme un « I », sourire figé, étriqué dans son costard Zara, qui n’a pas réagi tout de suite lorsque le serveur a demandé si certains avaient des intolérances alimentaires. Puis, d’un coup, mister Zara s’est réveillé. Il s’est souvenu qu’il était dans sa phase bobo-bio-risotto et il a répondu : « ah oui, au fait, moi je mange sans gluten ». Ben ouais, comme ça se fait ces temps-ci entre le Haut-Marais et la rue de Paradis… Le serveur a fait mine de prendre cette information au pied de la lettre. Moi, j’ai eu l’impression qu’il était en train de se dire que mister Zara était tellement con qu’on pouvait quand même lui servir du gluten, il n’y verrait que du feu… Ce mauvais remake du Bal des Vampires a duré environ deux heures. Heureusement, le poisson était bon, le vin extra et ma voisine sympa. Le lendemain matin, ruée de mes confrères -pressés de retrouver la civilisation !- vers les taxis. Sachant que la distance qui séparait l’hôtel de la gare représentait l’équivalent de deux stations de tramway nantais, soit une station de métro parisien… Après ça, je sais pourquoi je ne vis plus 7 jours sur 7 dans la capitale. Ce n’est pas seulement pour l’horreur des heures de pointe sur la ligne 13. C’est aussi pour ces momies et mamies en folie, bourrées de certitudes, d’habitudes, campées dans un jeu de rôles, pas drôle, qui crée leur pseudo connivence. Et surtout leur donne assurance, suffisance, arrogance. La prochaine fois, promis, je les filme. Car les mots sans les images, c’est un brin frustrant dans notre époque si formidable.