Je ne vais plus sur les plages en été. Du coup, j’ai pris l’habitude de passer deux ou trois jours au bord de l’océan en juin. J’en reviens. J’étais sur une île. Ile noire ou île mystérieuse ? Même Hergé aurait hésité avant de la rebaptiser. Une île au large de La Rochelle. Non, il n’y en a pas 36… Une île où le charme du bateau qui quitte un port pour en rejoindre un autre n’existe plus. On a relié l’île au continent par un pont. Conséquence : même hors-saison, on croise Porsche, Jaguar, Audi sur des routes autrefois chemins de terre empruntés par des pêcheurs à bicyclette. C’est le progrès, ma p’tite dame ! Oui, la frime et le fric aussi. Car les enfants et petits-enfants des pêcheurs d’avant ne peuvent plus se loger décemment sur l’île (noire ?). Une île (mystérieuse ?) où l’on ne va plus au marché sans son sac griffé. Une île (noire ?) où, pour s’isoler, il faut slalomer autant qu’à Paris : se lever tôt pour « déjeuner en paix », aller à la plage quand les bobos baladent bébé, s’offrir une crêpe à l’heure de la sieste, prendre un verre sur le port avant que les lolitas poudrées, fardées et échappées de L’Alsacienne ne débarquent. Et puis, l’île (mystérieuse ?) ne s’adresse plus aux « sans-voiture » comme moi. J’ai raté le bus, le taxi a eu du retard, je ne pouvais plus choper le train de 17h05 : je suis restée coincée sur l’île (noire ?). Une nuit de plus. Pourtant surclassée (comme dans l’avion) dans une suite deux fois plus grande, avec vue sublime sur l’étrange clocher noir et blanc de l’église, la mer et le lever du soleil –merci aux « filles du Sénéchal »-, je me suis sentie happée par l’île (mystérieuse ?). Comme Tintin, prisonnier du Dr Müller. L’impression d’avoir perdu la boussole. Ou plutôt que celle-ci, rebaptisée Safari, ne se trouve plus qu’au bas de l’écran de mon ordinateur. Epoque formidablement déroutante. Sauf si l’on accepte de conduire un 4x4 équipé d’un GPS qui confond Ré avec Saint-Barth.