Hier matin au Tournon, le café le plus proche du Sénat, à Paris. Celui où Deville a tourné Le Mouton Enragé. J’ai rendez-vous à 10h30 avec un photographe. Pour le boulot. Il doit me présenter l’un de ses reportages et moi, mettre des mots autour, histoire de raconter une histoire… Je n’ai jamais vu ce photographe. Juste échangé quelques SMS avec lui. A 10h30 pétantes, un type entre dans le bistrot. Il me regarde. Je me lève, vais à sa rencontre et le salue. Il a l’air de ne rien comprendre. « Euh, vous êtes bien photographe ? » « Pas du tout », me répond-il. Gloups. Je pique un phare et retourne m’asseoir, sous l’œil amusé du réalisateur Olivier Schatzky, mon voisin de banquette, qui n’a rien perdu de la scène. Cinq minutes plus tard, un autre type avec un grand sac pousse la porte du Tournon. Il me sourit. Cette fois, c’est lui. C’est sûr. Je me lève. Il s’approche, mais ne dit rien. « Vous êtes photographe ? » « Non, mais si vous voulez, on prend un café ensemble ! ». Au secours ! Schatzky est mort de rire. Je ne sais plus où me mettre. Subitement, un papy pousse la porte du bistrot à son tour et Schatzky s’écrit : « c’est lui le photographe ! ». Toute la salle se marre. Et pendant un quart d’heure, à chaque nouveau client qui rentre dans le café, le réalisateur leur demande s’ils sont photographes. Le « bon » est finalement arrivé avec une vingtaine de minutes de retard -« mon vélo électrique ne voulait pas démarrer »-. A ce moment-là, Schatzky a applaudi, entraînant avec lui tous les clients du café. J’avais enfin trouvé « mon » photographe ! La vie pouvait reprendre son cours normal dans notre époque si formidable. Schatzky est parti, me faisant un signe de la main. Un nouveau copain ?