Quand j’ai dit : « je vais voir Delerm aux Bouffes du Nord », j’ai eu droit à des « ah ? » sarcastiques et des « ah ! Tu me diras comment c’était ». Et ben voilà, comment c’était. Rien que le théâtre vaut le détour : j’étais assise sur un banc (c’est la première fois que je loue un banc pour 90 minutes : époque formidable). Quant aux premiers rangs, ils sont situés par terre, sur des coussins. Le spectacle ? J’y suis allée sans a priori. Même si le papier du Monde donnait envie. Mais je n’oublie pas que la rédactrice, Véronique Mortaigne, connaît bien le chanteur, l’ayant eu comme stagiaire lorsqu’il était étudiant… Donc, pas d’a priori. Et j’ai eu droit à une bouffée d’air de l'aire Delerm. Un Delerm mi-acteur, mi-chanteur, qui se balade sur scène avec une allure empruntée à Snoopy, Charlie Brown, à moins que ce ne soit à un personnage de Sempé. Il s’amuse, nous amuse. A grand renfort de clins d’œil au Muppet show, Kim Wilde, Alain Souchon, Léo Ferré, Buster Keaton, Billie Holiday, Mouloudji… On s’y laisse prendre, surprendre. Evidemment, les ados des années 1980 sourient à l’évocation de la Renault 21, du bruit du Donkey Kong, de la station spatiale (« la base ») Légo… Normal, le spectacle s’appelle Memory. Comme une ode au temps qui passe. Malgré cela, l’artiste reste ouvert, juste et réaliste sur le monde d’aujourd’hui. Celui qui nous entoure et duquel on tente de s’échapper en calant un casque sur ses oreilles dans le métro. Celui où il y a « des vivants » aussi à Livry-Gargan. Delerm nous gâte, par ailleurs, avec Woody Allen en voix off et quelques pas de danse qui rappellent les « choré » improvisées chez les copines de lycée. Alors, oui, il faut cavaler jusqu’au boulevard de La Chapelle. Slalomer entre les dealers de Barbès et les squats de SDF proches de la gare du Nord, avant de s’engouffrer dans ce drôle de théâtre, transformé jusqu’au 30 décembre en machine à remonter le temps.
Bouffes du Nord : 37 bis boulevard de la Chapelle, 75010 Paris. Tél : 01 46 07 34 50. Site : http://www.bouffesdunord.com/