1 Epok poursuit sa « correspondance » avec Corridor Elephant, maison d’édition et revue (Niepcebook) qui font la part belle à « la photographie émergente ». Une correspondance de vues et de points de vue. Avec des choix engagés et engageants. A l’instar du travail de la photographe Julie Okmûn, qui vient de faire l’objet du livre Borderless, édité par « l’Eléphant » en série limitée à 100 exemplaires numérotés et signés par l’auteur. La sortie de cet ouvrage – prévue mi-avril - est l’occasion d’évoquer le cheminement de la photographe pour aller vers celles et ceux que l’on croise sans les regarder, que l’on aperçoit le long d’un périph’ sans s’arrêter, dont on a conscience de l’existence sans connaître leur quotidien. Julie Okmûn est allée là où peu s’aventurent. Car pour elle, la photo est aussi un « outil politique ». C’est ce qui l’a menée à immortaliser mouvements sociaux, contre-sommets et autres camps d’activistes en France et en Europe. Des images proches du reportage.
Des invisibles que Julie Okmûn a voulu voir, pour savoir…
Dans son livre, la photographe se focalise sur trois lieux, trois univers, trois sociétés d’anonymes : des populations méconnues, oubliées, ignorées. Des invisibles que Julie Okmûn a voulu voir, pour savoir. D’aucuns font de la résistance dans les camps No Border de Calais et Bruxelles, d’autres (sur)vivent dans la « jungle » calaisienne, d’autres encore fréquentent « La sale coiffe », salon de coiffure « à prix libre » d’Anderlecht, près de Bruxelles. Trois séries d’images, trois actualités, trois urgences. L’une des photos qui frappe le plus dans l’ouvrage de Julie Okmûn ? Celle où l’on ne voit que des brosses à dents et autres rasoirs suspendus à un tronc d’arbre : les migrants de Calais n’ont souvent pas mieux comme armoire de toilette.
« Documenter les mouvements sociaux par la photographie »
Installée à Valence, Julie Okmûn fait partie de l’association « contre-faits », fondée en février 2007 pour « documenter les mouvements sociaux par la photographie ». Un parti pris. Un cap conservé encore aujourd’hui, avec cette envie de pousser les portes que d’autres n’entrouvrent même pas. Quitte à déplaire. Quitte à déranger. Les images se font alors témoignages. Comme dans le salon d’Enderlecht, où Julie Okmûn est allée en 2015 pour raconter le pouvoir d’une brosse, d’un peigne ou d’un séchoir pour reprendre soin de soi et soin des autres. Car à « La sale coiffe », on se faisait coiffer, mais on apprenait aussi à lisser, tresser, couper, colorer les cheveux. Il faut désormais en parler au passé : en 2017 le collectif féministe à l’origine du salon a été expulsé. Seules rescapées : les photos de Julie Okmûn.